Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 avril 2010, présentée par Mlle Mineta A, demeurant ... ; Mlle A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 20 octobre 2009 du consul général de France à Bamako (Mali), lui refusant un visa de long séjour en qualité de membre de la famille d'un ressortissant français ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient qu'il y a urgence dès lors qu'elle vit isolée au Mali et séparée de sa soeur qui subvient totalement à ses besoins ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que la décision, qui rejette la demande d'un enfant à charge d'un ressortissant français, n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision méconnaît son droit à mener une vie privée et familiale normale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son adoption par sa soeur aînée a été prononcée par un tribunal civil malien le 26 novembre 2002 ;
Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requérante a déposé une demande de visa de court séjour ; que l'adoption-protection en droit malien ne créant pas de lien de filiation, la décision de refus de visa opposée à Mlle A n'est pas de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en raison d'un risque de détournement du visa dans un but migratoire, l'intéressée faisant elle-même état de son intention de s'établir en France ; que la requérante ayant encore son demi-frère au Mali, ne justifiant pas de l'impossibilité dans laquelle se trouverait sa soeur de lui rendre visite au Mali et ne demandant qu'un visa de court séjour, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée à la vie privée et familiale doit être écarté ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite compte tenu de la nature et des motifs du visa sollicité ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 juin 2010, présenté par Mlle A qui reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'elle avait sollicité clairement un visa de long séjour et que c'est donc à tort que le refus qui lui a été opposé mentionne la demande d'un visa de court séjour, le privant de base légale ; qu'ayant été victime de violences de la part de son demi-frère, la présence de celui-ci au Mali ne peut être regardée comme y constituant pour elle une attache familiale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mlle A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 juin 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la requérante ;
- Mme B, soeur de la requérante ;
- le représentant de la requérante ;
- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 18 juin 2010 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 juin 2010, présenté par Mlle A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'un jugement du 6 janvier 2000 de la cour d'appel de Versailles a retenu l'exequatur d'un jugement malien d'adoption-protection ; qu'elle peut se prévaloir de l'article 370-5 du code civil pour faire valoir son adoption selon le droit français ; qu'en tant qu'enfant adopté, elle peut se prévaloir d'un lien de parenté ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui transmet une note du service de l'adoption internationale du ministère des affaires étrangères et européennes, selon laquelle l'adoption-protection au Mali entraîne un transfert de l'autorité parentale mais ne crée pas de lien de filiation, ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris (1ère chambre, section C), par un arrêt du 12 mars 2009 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 juin 2010, présenté par Mlle A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que l'adoption-filiation n'étant possible en droit malien que pour un enfant de moins de cinq ans, il ne peut être soutenu sans méconnaître l'ordre public international que l'adoption-protection, seule possible en droit malien après l'âge de cinq ans, ne pourrait jamais être reconnue comme adoption simple en droit français, alors qu'en vertu de l'article 360 du code civil l'adoption simple est permise quel que soit l'âge de l'adopté ; que ses parents étant décédés, son adoption simple ne peut qu'être plénière ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle A, de nationalité malienne, âgée de vingt ans, dont l'adoption-protection par sa soeur, de nationalité française, a été prononcée le 2 novembre 2002 par le tribunal civil de Kati (Mali), a introduit une demande de visa, qu'elle estime être de long séjour, auprès des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali), qui l'ont rejetée, ce refus ayant été confirmé par une décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 27 mai 2010, dont elle demande la suspension de l'exécution ;
Considérant que l'adoption de Mlle A par sa soeur, selon le régime malien de l'adoption-protection, doit être regardée comme délégant à cette dernière l'autorité parentale mais étant sans conséquence sur la filiation ; que, dès lors, en l'absence d'un lien de filiation entre la requérante et sa soeur française, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision attaquée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette décision serait entachée et de l'atteinte disproportionnée que celle-ci porterait au respect de la vie privée et familiale de la requérante, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne paraissent pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions de Mlle A à fin de suspension doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mlle Mineta A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.