Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 septembre 2008, présentée par Mlle Sylvie A, domiciliée ... ; Mlle A demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler le décret du 26 février 2008 en tant qu'il la maintenue en position de disponibilité d'office du 9 décembre 2006 au 28 février 2008 ;
2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2008 rejetant le recours gracieux formé contre le décret du 26 février 2008 ;
3°) de constater qu'elle a été en position régulière d'activité comme magistrate à temps plein du 9 décembre 2006 au 28 février 2008 ;
4°) de constater qu'elle doit conserver le plein traitement qui lui a été versé pendant cette période ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1983 ;
Vu le décret n° 85-986 du16 septembre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature que tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : en activité, en service détaché, en disponibilité, sous les drapeaux, en congé parental ; que l'article 68 de la même ordonnance précise que les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions énumérées à l'article 67 de l'ordonnance s'appliquent aux magistrats ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 41 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent... ; qu'aux termes de l'article 47 du même décret, Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n°84-1051 du 30 novembre 1984, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite ;
Considérant que, par un décret du 23 janvier 2008, Mlle A, magistrate, a été placée en disponibilité d'office pour la période du 9 juin au 8 décembre 2006 ; que par un décret du 26 février 2008, pris après avis du comité médical départemental du Maine- et-Loire du 8 janvier 2008, Mlle A a été maintenue en position de disponibilité d'office pour les périodes du 9 décembre 2006 au 8 décembre 2007, puis du 9 décembre 2007 au 8 juin 2008 ; qu'elle demande l'annulation de ce décret en tant qu'il concerne la période du 9 décembre 2006 au 28 février 2008, au motif qu'il est entaché d'une rétroactivité illégale ;
Considérant, en premier lieu, que, si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, des militaires ou des magistrats, l'administration peut, en dérogation à cette règle, leur conférer une portée rétroactive dans la stricte mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ;
Considérant que par une décision n° 318712 de ce jour, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé le décret du 23 janvier 2008 plaçant l'intéressée en disponibilité d'office pour la période du 9 juin 2006 au 8 décembre 2006 ; que par suite, l'intéressée devait être regardée comme ayant été en position régulière d'activité à compter du 9 juin 2006 ; que, dès lors, en conférant une portée rétroactive au décret du 26 février 2008 maintenant l'intéressée en position de disponibilité d'office à compter du 9 décembre 2006, l'administration a commis une erreur de droit, aucune nécessité tenant à l'impératif de continuité de la carrière ou à la nécessité de régulariser la situation de l'intéressée ne justifiant une telle rétroactivité ;
Considérant, en deuxième lieu, que le décret du 26 février 2008 doit, par suite, être annulé en tant qu'il prend effet à compter du 9 décembre 2006 jusqu'au 28 février 2008 ; que, par voie de conséquence, il en va de même et dans la même mesure des conclusions dirigées contre le rejet du recours gracieux formé par Mlle A contre ce décret ;
Considérant, en troisième lieu, que les conclusions de la requérante tendant à conserver le bénéfice du plein traitement qui lui a été maintenu pour la période du 9 décembre 2006 au 28 février 2008 ne peuvent qu'être rejetées, faute pour l'administration d'avoir pris une décision tendant à la récupération des sommes versées à l'intéressée pendant cette période ou, pour l'intéressée, de lui avoir préalablement adressé, avant de saisir le Conseil d'Etat, une demande tendant au maintien de ces sommes ; qu'en tout état de cause, l'annulation partielle du décret du 26 février 2008 prononcée par la présente décision fait obstacle à ce que l'Etat obtienne légalement le reversement des sommes perçues par Mlle A pour la période allant du 9 décembre 2006 au 28 février 2008 ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret du 26 février 2008, en tant qu'il a prononcé le maintien en position de disponibilité d'office de Mlle A du 9 décembre 2006 au 28 février 2008, et, dans la même mesure, la décision du 8 juillet rejetant le recours gracieux formé contre ce décret, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle A et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.