Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Joachim A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'instruction du ministre de l'intérieur refusant que les personnes inscrites sur la liste électorale complémentaire municipale du bureau de vote n° 3 puissent prendre part à l'élection du conseil territorial de Saint-Barthélemy du 1er et 8 juillet 2007 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 62 et 88-3 ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 8 B paragraphe 1, résultant du traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 :
Vu la directive 94/80/CE du Conseil du 19 décembre 1994 ;
Vu le code électoral, notamment son livre VI ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998 ;
Vu la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007, notamment son article 18 ;
Vu le décret n° 2007-575 du 19 avril 2007 ;
Vu la décision n° 98-400 DC du Conseil constitutionnel du 20 mai 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mireille Imbert-Quaretta, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 88-3 de la Constitution : Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article ; que la loi organique du 25 mai 1998 déterminant les conditions d'application de cet article de la Constitution et transposant la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 a indiqué, dans son article 14, que ses dispositions étaient applicables dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
Considérant que la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a créé, en application des dispositions de l'article 72-4 de la Constitution, deux nouvelles collectivités d'outre-mer, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui se sont substituées, sur leurs territoires respectifs, aux communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ainsi qu'au département et à la région de la Guadeloupe régis par l'article 73 de la Constitution ; qu'en application de l'article 18 de la même loi fixant le délai dans lequel devait intervenir l'élection des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, nouvelles institutions délibérantes de ces deux collectivités, le décret du 19 avril 2007 portant convocation des électeurs pour l'élection des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy a fixé les dates du scrutin au 1er juillet 2007 pour le premier tour et au 8 juillet 2007 pour le second tour éventuel ;
Considérant que le ministre de l'intérieur, dans des instructions prescrites en vue de la tenue de ces opérations de vote, a fait savoir que : les électeurs inscrits sur la liste électorale complémentaire pour les élections municipales ne sont pas admis à prendre part au vote ; que M. A, ressortissant communautaire inscrit sur la liste électorale complémentaire du bureau de vote n° 3, demande l'annulation de ces instructions ;
Considérant que la requête de M. A n'a pour objet ni de contester la teneur de la liste électorale ni de solliciter l'annulation du scrutin ; que contrairement à ce que soutient le ministre, la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre des instructions ministérielles relatives à l'organisation des élections ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 1er de la directive 94/80/CE du Conseil du 19 décembre 1994 fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité : La présente directive fixe les modalités selon lesquelles les citoyens de l'Union qui résident dans un Etat membre sans en avoir la nationalité peuvent y exercer le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales ; que selon les a) et b) du paragraphe 1 de l'article 2 de la même directive : 1. Aux fins de la présente directive, on entend par : / a) collectivité locale de base : les entités administratives figurant à l'annexe qui, selon la législation de chaque Etat membre, ont des organes élus au suffrage universel direct et sont compétentes pour administrer, au niveau de base de l'organisation politique et administrative, sous leur propre responsabilité, certaines affaires locales ; / b) élections municipales : les élections au suffrage universel direct visant à désigner les membres de l'assemblée représentative et, le cas échéant, selon la législation de chaque Etat membre, le chef et les membres de l'exécutif d'une collectivité locale de base ; que selon le paragraphe 2 de l'article 2 de la même directive : Si, à la suite d'une modification de la loi nationale, une collectivité locale de base visée à l'annexe est remplacée par une autre ayant les compétences visées au paragraphe 1 point a) du présent article ou si, à la suite d'une telle modification, une collectivité locale de base est supprimée ou créée, l'Etat membre concerné le notifie à la Commission (...) ;
Considérant que, sauf exception dûment justifiée, la possibilité pour les citoyens de l'Union de pouvoir participer aux élections locales dans tous les pays de l'Union où ils résident, même s'ils n'en ont pas la nationalité, est une obligation pour tous les Etats membres ; qu'ainsi l'article LO. 227-2 du code électoral tel que résultant de la loi organique du 25 mai 1998 déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 dispose que les ressortissants européens peuvent prendre part aux élections municipales à condition d'être inscrits sur une liste électorale complémentaire ; que ces dispositions ont été rendues applicables sur tout le territoire de la République française ;
Considérant qu'il résulte clairement de la directive 94/80/CE prise pour l'application du traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, auquel se réfère expressément l'article 88-3 de la Constitution, que la disparition d'une commune par suite d'une modification statutaire et sa substitution sur son territoire par une autre collectivité n'est pas, en soi, de nature à supprimer le droit pour les ressortissants de l'Union européenne de participer aux élections locales qui se déroulent sur ce territoire ;
Considérant en l'espèce que la suppression de la commune de Saint-Barthélemy et son remplacement par la collectivité de Saint-Barthélemy, nouvelle collectivité locale de base au sens de la directive, ne saurait avoir pour effet de priver les citoyens de l'Union y demeurant de participer aux élections au conseil territorial, lequel s'est substitué au conseil municipal ; que le ministre de l'intérieur ne saurait, en tout état de cause, exclure les citoyens de l'Union de toute participation à ces élections ; que l'instruction attaquée doit être annulée en tant qu'elle procède à cette interdiction ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'instruction du ministre de l'intérieur prise pour la mise en oeuvre en juillet 2007 des élections des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy est annulée en tant qu'elle dispose que les électeurs inscrits sur la liste électorale complémentaire pour les élections municipales ne sont pas admis à prendre part au vote.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joachim A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.