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09/06/2010 | FRANCE | N°327423

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 09 juin 2010, 327423


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 avril, 20 juillet et 6 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13, dont le siège est 39, rue Sainte Cécile à Marseille (13005), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13 demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 23 octobre 2008, notifiée le 28 novembre 2008, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté qu'elle n'avait pas satisfait, pour

l'exercice 2007, aux obligations prévues par l'article 11-7 de l...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 avril, 20 juillet et 6 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13, dont le siège est 39, rue Sainte Cécile à Marseille (13005), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13 demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 23 octobre 2008, notifiée le 28 novembre 2008, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté qu'elle n'avait pas satisfait, pour l'exercice 2007, aux obligations prévues par l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et la décision du 23 février 2009, notifiée le 27 février 2009, par laquelle la commission a rejeté son recours gracieux contre la décision du 23 octobre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 4 ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique : Les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement ; qu'aux termes de l'article 11-7 de la même loi : Les partis ou groupements bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 ont l'obligation de tenir une comptabilité. Cette comptabilité doit retracer tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion. / Les comptes de ces partis ou groupements sont arrêtés chaque année. Ils sont certifiés par deux commissaires aux comptes et déposés dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques instituée à l'article L. 52-14 du code électoral, qui assure leur publication sommaire au Journal officiel de la République française. Si la commission constate un manquement aux obligations prévues au présent article, le parti ou groupement politique perd le droit, pour l'année suivante, au bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la présente loi. ;

Considérant que, par les dispositions précitées de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988, le législateur a imposé aux partis et groupements politiques des obligations comptables, dont la méconnaissance les prive, pendant l'année qui suit le constat de ce manquement, du financement public prévu par les articles 8 à 10 de la loi et de la possibilité de financer eux-mêmes des campagnes électorales et d'autres partis ou groupements politiques ; que, pour exercer la mission de contrôle que lui confient ces mêmes dispositions, dans le respect de la liberté constitutionnellement garantie que rappellent les dispositions de l'article 7 de la loi, il incombe à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de vérifier que les partis ont déposé devant elle, en temps utile, des comptes annuels, après les avoir fait certifier par deux commissaires aux comptes ; qu'elle doit en outre s'assurer que ces comptes correspondent, au vu des éléments d'information dont elle dispose, à l'ensemble du périmètre défini par la loi, d'une part en contrôlant que les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels les partis ou groupements politiques détiennent la moitié du capital social ou des sièges du conseil d'administration ont été pris en compte, d'autre part en appréciant si des organismes sur lesquels les partis ou groupements politiques exercent, selon elle, un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion n'ont pas été omis ; qu'il lui appartient enfin de veiller à ce que l'image que les comptes certifiés donnent de la situation financière des partis ou groupements politiques n'est pas entachée d'une incohérence telle avec les données extérieures à la comptabilité des partis dont elle dispose par ailleurs, que ces partis devraient être regardés comme ayant manqué à leur obligation de déposer leurs comptes certifiés ; qu'elle ne saurait en revanche, sans excéder sa compétence, constater, en l'absence de toute incohérence manifeste, qu'un parti ou groupement politique a manqué à ses obligations, alors même qu'il a déposé en temps utile des comptes certifiés correspondant au périmètre fixé par la loi, que cette certification soit établie sans réserves ou qu'elle soit assortie de réserves, même formulées sur des points identiques plusieurs années de suite ;

Considérant, par ailleurs, que, si elle envisage de constater qu'un parti ou groupement politique a manqué à ses obligations, la commission doit, conformément au principe général des droits de la défense, le mettre en mesure de s'expliquer, selon des modalités qu'il lui appartient de définir et de mettre en oeuvre sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association CAP SUR L'AVENIR 13, formation politique soumise aux dispositions de la loi du 11 mars 1988, a déposé devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le 30 juin 2008, ses comptes pour l'année 2007, certifiés par deux commissaires aux comptes ; que ceux-ci avaient formulé des réserves, tirées de ce que, sur les 281 155 euros de charges qui figuraient au compte de résultat d'ensemble, des justificatifs de chèques représentant 4 525 euros de dépenses n'avaient pu être présentés, en précisant que, les décaissements correspondants étant certains, ils avaient été comptabilisés en charges de l'exercice ; que, par une lettre du 16 septembre 2008, le président de la commission a fait savoir au président de l'association que, dès lors que les commissaires aux comptes avaient formulé des réserves sur un point identique en certifiant les comptes des exercices 2005 et 2006, la commission pouvait être conduite à constater que l'association n'avait pas satisfait à ses obligations, s'il s'avérait qu'elle n'avait pas cherché à remédier aux causes ou problèmes à l'origine des réserves ; qu'en l'absence de réponse à cette lettre, la commission a décidé, lors de sa séance du 23 octobre 2008, que l'association CAP SUR L'AVENIR 13 n'avait pas satisfait, pour l'exercice 2007, aux obligations prévues par l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 ; que, dans sa lettre de notification du 28 novembre 2008, le président de la commission a rappelé à l'association, qui n'avait bénéficié d'aucun financement public, que cette décision lui interdisait, pour l'année 2008, de contribuer au financement d'une campagne électorale ou d'un autre parti politique ; que l'association a alors introduit un recours gracieux le 29 janvier 2009, en produisant des factures pour justifier la plus grande partie des 4 525 euros de dépenses mentionnés ci-dessus et en annonçant la production prochaine des ultimes justificatifs ; que, par une décision du 23 février 2009, la commission a rejeté ce recours, en indiquant notamment à l'association que le lien entre les factures produites et les dépenses visées par les réserves des commissaires aux comptes ne pouvait être établi par la commission et qu'en tout état de cause il n'était pas de sa compétence de connaître des pièces justificatives de dépenses des partis politiques, que seuls les commissaires aux comptes peuvent apprécier au regard de l'ensemble de la comptabilité du parti ;

Considérant qu'il est constant que l'association CAP SUR L'AVENIR 13 a déposé en temps utile devant la commission ses comptes de l'exercice 2007 certifiés par deux commissaires aux comptes ; que la commission n'a relevé ni que ces comptes ne correspondaient pas au périmètre défini par la loi, ni qu'ils donnaient une image de la situation financière de l'association entachée d'une incohérence telle avec les données extérieures à sa comptabilité dont elle disposait par ailleurs, que cette association aurait manqué à son obligation de déposer ses comptes certifiés ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'association n'avait pas expliqué si elle avait cherché à remédier aux causes ou problèmes à l'origine des réserves formulées par les commissaires aux comptes sur un même point pour la troisième année consécutive, pour constater qu'elle avait manqué aux obligations prévues par les dispositions de l'article 11-7 la loi du 11 mars 1988, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a excédé la compétence que lui attribue la loi ; que, par suite, l'association CAP SUR L'AVENIR 13 est fondée à demander l'annulation de la décision de la commission du 23 octobre 2008 et de sa décision du 23 février 2009 rejetant son recours gracieux ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du 23 octobre 2008 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et sa décision du 23 février 2009 rejetant le recours gracieux formé par l'association CAP SUR L'AVENIR 13 sont annulées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION CAP SUR L'AVENIR 13, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 327423
Date de la décision : 09/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES - COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES - COMPÉTENCES (LOI N° 88-227 DU 11 MARS 1988) - 1) PORTÉE - A) VÉRIFICATION DU DÉPÔT DES COMPTES ANNUELS DES PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES - APRÈS CERTIFICATION - B) VÉRIFICATION DU RESPECT DU PÉRIMÈTRE DÉFINI PAR LA LOI - C) VÉRIFICATION DE LA COHÉRENCE DE L'IMAGE DE LA SITUATION FINANCIÈRE AVEC LES DONNÉES EXTÉRIEURES À LA COMPTABILITÉ DES PARTIES - 2) COMPTES CERTIFIÉS DÉPOSÉS EN TEMPS UTILE - EXISTENCE DE RÉSERVES - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE SUR LE RESPECT DE L'OBLIGATION DE CERTIFICATION.

28-005-04-03 1) a) La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques doit vérifier que les partis et groupements politiques ont déposé devant elle, en temps utile, des comptes annuels certifiés par deux commissaires aux comptes. b) Elle doit s'assurer que ces comptes correspondent, au vu des éléments d'information dont elle dispose, à l'ensemble du périmètre défini par la loi, d'une part en contrôlant que les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels les partis ou groupements politiques détiennent la moitié du capital social ou des sièges du conseil d'administration ont été pris en compte, d'autre part en appréciant si des organismes sur lesquels les partis ou groupements politiques exercent, selon elle, un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion n'ont pas été omis. c) Elle doit veiller à ce que l'image que les comptes certifiés donnent de la situation financière des partis ou groupements politiques n'est pas entachée d'une incohérence telle avec les données extérieures à la comptabilité des partis dont elle dispose par ailleurs, que ces partis devraient être regardés comme ayant manqué à leur obligation de déposer leurs comptes certifiés. 2) La Commission ne saurait constater, en l'absence de toute incohérence manifeste, qu'un parti ou groupement politique a manqué à ses obligations s'il a déposé en temps utile des comptes certifiés correspondant au périmètre fixé par la loi - que cette certification soit établie sans réserves ou qu'elle soit assortie de réserves, même formulées sur des points identiques plusieurs années de suite.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES - COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES - PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION - APPLICATION DU PRINCIPE GÉNÉRAL DES DROITS DE LA DÉFENSE - OBLIGATION - EXISTENCE - CONTRÔLE - JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR.

28-005-04-03-01 Si la Commission envisage de constater qu'un parti ou groupement politique a manqué à ses obligations, elle doit, conformément au principe général des droits de la défense, le mettre en mesure de s'expliquer, selon des modalités qu'il lui appartient de définir et de mettre en oeuvre, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR - RECOURS AYANT CE CARACTÈRE - RECOURS CONTRE LA DÉCISION DE LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES CONSTATANT QU'UN PARTI OU GROUPEMENT POLITIQUE A MANQUÉ À SES OBLIGATIONS.

54-02-01-01 La contestation de la décision par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques constate qu'un parti ou groupement politique a manqué à ses obligations relève du juge de l'excès de pouvoir.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2010, n° 327423
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:327423.20100609
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