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12/03/2010 | FRANCE | N°328540

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 12 mars 2010, 328540


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohammed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 avril 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 juin 2008 du consul général de France à Annaba lui refusant un visa d'entrée et de court séjour en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au m

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Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohammed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 avril 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 juin 2008 du consul général de France à Annaba lui refusant un visa d'entrée et de court séjour en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer le visa sollicité dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, a rencontré, après son arrivée en France en 2002, Mme B, de nationalité française, et qu'ils ont vécu ensemble à compter de 2003 ; que si l'intéressé a fait l'objet, en 2004, d'une mesure de reconduite à la frontière qui a été accompagnée d'une interdiction de séjourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans, M. A et Mme B, qui s'était installée dans le département des Ardennes à proximité de la Belgique où séjournait alors M. A, sont demeurés en relation ; que M. A, revenu en France en 2007 après que l'interdiction de séjour sur le territoire français eut cessé de produire effet, et Mme B se sont mariés le 18 septembre 2007, sans opposition du procureur de la République ; qu'une fille est née de leur union le 2 janvier 2008 ;

Considérant que M. A, conformément à ce qu'il s'était engagé à faire auprès des services de la préfecture des Ardennes, a quitté le territoire français deux jours après son mariage pour retourner en Algérie afin d'y demander la délivrance d'un visa lui permettant d'entrer régulièrement en France ; que, toutefois, le visa qu'il a sollicité lui a été refusé par une décision du 17 juin 2008 du consul de France à Annaba ; que ce refus de visa a été confirmé par décision du 23 avril 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France au double motif que la présence de M. A en France présenterait un risque de trouble à l'ordre public et que le mariage aurait été conclu à des fins autres que l'union matrimoniale ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté devant l'autorité judiciaire ou dont la validité a été reconnue par celle-ci, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener en France une vie familiale normale, à moins que les circonstances particulières de l'espèce fassent apparaître des motifs d'ordre public de nature à justifier légalement un refus de visa ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'ensemble des éléments versés au dossier, qui établissent la communauté de vie de M. A et Mme B entre 2003 et 2004 et la continuité de leurs relations après que M. A a quitté le territoire en 2004 en exécution de la mesure de reconduite prise à son encontre puis après son retour en Algérie en 2007, que la commission de recours a porté une appréciation erronée sur les faits de l'espèce en estimant qu'il existait un doute quant à la sincérité des intentions matrimoniales de M. A ;

Considérant, d'autre part, que les éléments versés au dossier par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui se bornent à faire état de ce que M. A a fait l'objet de deux mesures de reconduite à la frontière, ne sont pas de nature à établir que l'entrée en France de M. A pourrait être légalement refusée pour des motifs d'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 23 avril 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mohammed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et développement solidaire.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 328540
Date de la décision : 12/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2010, n° 328540
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328540.20100312
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