Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 20 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 09530 du 20 février 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la décision de la commission de délégation de service public de la commune en date du 9 septembre 2008 en tant qu'elle avait écarté la candidature de la société Aquitaine Gestion Urbaine et Rurale (AGUR) à la délégation de service public portant sur l'eau potable et enjoint à la commune de poursuivre la procédure en y incluant l'offre de la société ;
2°) de mettre à la charge de la société AGUR le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cytermann, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Aquitaine Gestion Urbaine et Rurale,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Aquitaine Gestion Urbaine et Rurale,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON a lancé une procédure en vue d'attribuer la délégation du service public de production et de distribution d'eau potable ; que par une décision en date du 9 septembre 2008, la commission de délégation de service public de la commune a rejeté la candidature de la société AGUR ; que, saisi par celle-ci sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision par une ordonnance du 20 février 2009 et a enjoint à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON de poursuivre la procédure en y incluant l'offre que lui ferait parvenir la société AGUR ; que la commune se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
Considérant que l'article L. 551-1 du code de justice administrative dispose : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation (...) des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. (...) ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative permettent à un candidat à l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public de saisir le juge du référé précontractuel jusqu'à la signature du contrat ; que par conséquent, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON, la circonstance que le rejet de la candidature de la société AGUR lui ait été notifié plus de deux mois avant la saisine du juge étant sans incidence sur la recevabilité de sa demande ; que de même, il n'a pas commis d'erreur de droit en admettant implicitement mais nécessairement l'intérêt à agir de la société AGUR en sa qualité de candidat évincé ;
Sur l'annulation du rejet de la candidature de la société AGUR :
Considérant que l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales dispose que la commission de délégation de service public dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières (...) et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public ; qu'il résulte de cette disposition que si l'autorité délégante peut exiger, au stade de l'admission des candidatures, la détention par les candidats de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès du marché à des entreprises de création récente ou n'ayant réalisé jusqu'alors que des prestations d'une ampleur moindre, doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet de la délégation et la nature des prestations à réaliser ; que dans le cas contraire, l'autorité délégante doit permettre aux candidats de justifier de leurs capacités financières et professionnelles et de leur aptitude à assurer la continuité du service public par tout autre moyen ; qu'il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1, de vérifier la légalité des motifs de l'exclusion d'un candidat d'une procédure de délégation de service public, notamment au regard des principes ainsi définis ;
Considérant dès lors que le juge des référés, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, a pu sans erreur de droit et sans entacher son raisonnement d'une contradiction de motifs, annuler la décision de la commission de délégation de service public au motif que dans les circonstances de l'espèce, elle ne pouvait légalement rejeter la candidature de la société AGUR en se fondant exclusivement sur son absence d'expérience dans la gestion d'un service équivalent, tant en capacité de production qu'en nombre d'abonnés, faute d'avoir justifié que cette exigence était rendue nécessaire par l'objet de la délégation et la nature des prestations à réaliser ;
Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, qui a statué au vu des pièces qui lui étaient soumises, ne les a pas dénaturées en jugeant que la société AGUR disposait d'une compétence reconnue dans le domaine de la production et de la distribution d'eau et a, ce faisant, répondu au moyen de la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON contestant sa capacité technique ;
Sur l'injonction :
Considérant qu'alors même qu'il a jugé irrégulier le motif du rejet de la candidature de la société AGUR, il n'appartenait pas au juge des référés précontractuels d'enjoindre à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON d'admettre la candidature de ladite société, faute d'avoir préalablement constaté qu'au regard des débats devant lui, aucun autre motif n'était susceptible de justifier légalement un tel rejet ; que de plus la commune conservait la faculté de renoncer à la poursuite de cette procédure ; que le premier juge a, par suite, commis une erreur de droit en prescrivant à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON de poursuivre la procédure en cours en y incluant l'offre que lui fera parvenir dans les délais impartis la société AGUR ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON est seulement fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle lui a enjoint, en son article 2, de poursuivre la procédure en cours en y incluant l'offre de la société AGUR et de l'examiner concurremment avec celles des autres entreprises admises à concourir ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en ce qui concerne les conclusions de la société AGUR tendant à ce qu'il soit enjoint à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON de poursuivre la procédure en cours en recevant son offre ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'aucun autre motif que celui retenu, à tort, par la commission de délégation de service public de la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON ne pourrait légalement justifier le rejet de la candidature de la société AGUR ; que, dès lors, ainsi qu'il a été dit, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de prescrire à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON d'admettre ladite candidature et de poursuivre la procédure en y incluant l'offre que lui ferait parvenir la société ; qu'il y a lieu, en revanche, d'enjoindre à la commune, si elle entend poursuivre la procédure, de soumettre à nouveau la candidature de la société AGUR à la commission de délégation de service public pour qu'il soit procédé à son réexamen au regard des motifs de la présente décision, et de prendre toute disposition garantissant que la procédure ultérieure se déroule dans des conditions qui assurent une égalité effective entre l'ensemble des candidats ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON et la société AGUR au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance n° 09530 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 20 février 2009 est annulé.
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Article 2 : Il est enjoint à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON, si elle entend poursuivre la procédure, d'examiner à nouveau la candidature de la société AGUR au regard des motifs de la présente décision et dans des conditions qui assurent une égalité effective entre l'ensemble des candidats.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par la société AGUR au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LA ROCHE SUR YON et à la société AGUR.