Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 6 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES, dont le siège est Z.I. Les Charbonneaux à Chimilin (38490) ; la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de M. Nordine A, a annulé le jugement du 17 février 2006 du tribunal administratif de Grenoble et l'article 2 de la décision du 16 décembre 2003 du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer autorisant la société Transports Guillaud à licencier M. A ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gérard-David Desrameaux, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES et de la SCP Richard, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public,
- la parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES et à la SCP Richard, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par lettre du 17 mars 2003, la société transports Guillaud a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A, salarié protégé, pour motif disciplinaire ; qu'à l'appui de cette demande, l'employeur a notamment produit deux témoignages émanant de salariés de l'entreprise et mettant en cause M. A ; qu'après avoir organisé une confrontation entre l'employeur et le salarié le 3 avril 2003, l'inspecteur du travail a, par une décision du 18 avril 2003, autorisé le licenciement de M. A ; que, sur recours hiérarchique de ce denier, le ministre en charge des transports a, par une décision du 16 décembre 2003, annulé la décision de l'inspecteur du travail et confirmé l'autorisation de licenciement ; que, par un jugement du 17 février 2006, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de M. A tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2003 ; que la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES, venant aux droits de la société transports Guillaud, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé tant le jugement du tribunal administratif que la décision du ministre ;
Considérant que la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES ne saurait s'appuyer sur la circonstance que l'arrêt attaqué qui lui a été communiqué ne comportait ni la signature du président de la formation de jugement, ni celle du rapporteur, ni celle du greffier pour en déduire que la minute de cet arrêt ne comportait pas ces signatures ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait irrégulier en la forme en l'absence desdites signatures doit être écarté ;
Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail devenu l'article R. 2421-4 du même code impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; que le caractère contradictoire de cette enquête implique en outre que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; que toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, qu'au cours de l'entretien contradictoire, l'inspecteur du travail s'est abstenu de porter à la connaissance de M. A deux attestations de salariés de l'entreprise produites par l'employeur à l'appui de sa demande de licenciement ; qu'à supposer qu'il ait estimé que la divulgation de l'identité de leurs auteurs était de nature à leur porter gravement préjudice, il appartenait à l'inspecteur du travail d'informer M. A de façon suffisamment circonstanciée de la teneur de ces attestations ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier des juges du fond que la confrontation organisée le 3 avril 2003 par l'inspecteur du travail entre M. A et son employeur, dont se prévaut la société requérante, ait été l'occasion de communiquer à M. A la teneur de ces attestations ; que, dès lors, en se fondant sur ce qu'il n'était pas établi que M. A avait été mis à même de prendre connaissance des attestations litigieuses pour juger que l'enquête administrative préalable à la décision d'autorisation de licenciement n'avait pas été conduite contradictoirement, la cour administrative a fait une exacte application des dispositions précitées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Yves Richard, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES le versement à la SCP Yves Richard de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES est rejeté.
Article 2 : La SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES versera à la SCP Yves Richard, avocat de M. A, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LABATUT RHONE-ALPES, à M. Nordine A et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.