Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 3 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard A, Mme Béatrice C épouse A et M. Olivier A, demeurant ... ; les consorts A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande de condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de l'Etablissement français du sang à leur verser des indemnités en réparation des préjudices résultant pour eux de la contamination de M. Gérard A par le virus de l'hépatite C ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de l'Etablissement français du sang la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, avocat des consorts A, de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, de la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang,
- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Tiffreau, avocat des consorts A, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang ;
Considérant que, par un jugement du 8 juin 2004, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes, d'une part, de M. Gérard A, de Mme Béatrice A, son épouse et de M. Olivier A, leurs fils et, d'autre part, de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, tendant à la condamnation solidaire de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de l'Etablissement français du sang à leur verser des indemnités en réparation des préjudices résultant pour eux de la contamination de M. Gérard A par le virus de l'hépatite C ; que les consorts A et la caisse se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs appels dirigés contre ce jugement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que la cour a suffisamment motivé le rejet des moyens par lesquels les requérants soutenaient que la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C était imputable soit à des transfusions de produits sanguins soit à une infection nosocomiale contractée lors d'actes invasifs pratiqués sur lui à l'hôpital Laënnec de Paris ; qu'elle a ainsi suffisamment motivé le rejet des conclusions dont elle était saisie, y compris celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etablissement français du sang :
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) ; que la présomption légale instituée par cette disposition ne s'applique qu'à la relation de cause à effet entre une transfusion et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée, mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion soupçonnée d'avoir causé cette contamination ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il prétend avoir subie, selon les règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne mettant pas en oeuvre, pour déterminer si M. A avait reçu une transfusion de produits sanguins en avril 1983 au service d'oto-rhino-laryngologie de l'hôpital Laënnec de Paris lors de l'évacuation de l'hématome au cou dont il souffrait, le régime de présomption prévu par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Paris que, si les archives du service d'oto-rhino-laryngologie de l'hôpital Laënnec ne contiennent pas de documents concernant M. A, d'une part, le centre de transfusion n'a pas délivré de produits sanguins au nom de celui-ci et, d'autre part, les documents médicaux le concernant ne conduisaient pas normalement à la réalisation d'une transfusion ; que, dans ces conditions, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l'existence de la transfusion alléguée n'était pas établie ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :
Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du rapport d'expertise, d'une part, que la coronographie avec phlébographie des membres inférieurs et l'angiographie pulmonaire subies par M. A à l'hôpital Laënnec de Paris pendant la période du 28 mars au 23 avril 1983 constituaient des actes invasifs qui y étaient alors habituellement réalisés avec du matériel jetable et, d'autre part, que ce n'est au plus tôt qu'en 1991 que sont apparus les premiers symptômes pouvant se rattacher à l'hépatite C diagnostiquée en 1997 ; que, dans ces conditions, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni commis une erreur de droit en jugeant qu'il n'était pas établi que l'infection par le virus de l'hépatite C trouverait son origine dans les actes invasifs que M. A avait subis en mars et avril 1983 à l'hôpital Laënnec ;
Considérant, en second lieu, que, si l'absence dans les archives hospitalières d'un dossier médical sur l'intervention subie en avril 1983 par M. A dans le service d'oto-rhino-laryngologie de l'hôpital Laennec était un élément à prendre en compte par les juges du fond pour apprécier si l'existence de la transfusion alléguée était ou non établie, l'existence d'une faute qu'aurait commise à ce titre l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris restait sans incidence sur la responsabilité éventuellement encourue par celle-ci du fait de la contamination, en l'absence de lien de causalité entre une telle faute et la contamination ; que la cour administrative d'appel n'a dès lors commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique en jugeant que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'avait pas commis dans la tenue du dossier médical de M. A une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts A et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant en premier lieu que les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative présentées par les consorts A et les conclusions tendant à l'application de ces dispositions ainsi qu'à celles du 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant en second lieu qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts A la somme que demande l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois des consorts A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard A, à Mme Béatrice C épouse A, à M. Olivier A, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à l'Etablissement français du sang.