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14/10/2009 | FRANCE | N°319613

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 14 octobre 2009, 319613


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 22 novembre 2004 du directeur de l'Ecole nationale de la santé publique (ENSP) de Rennes décidant de suspendre le versement à son bénéfice d'une indemnité différentielle de 823,92 euros mens

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 22 novembre 2004 du directeur de l'Ecole nationale de la santé publique (ENSP) de Rennes décidant de suspendre le versement à son bénéfice d'une indemnité différentielle de 823,92 euros mensuels et de la décision du 7 février 2005 du sous-directeur de la gestion des ressources humaines de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité compensatrice pour l'avenir, à lui rembourser les sommes dues à ce titre à partir du mois de novembre 2004 compris et à payer les intérêts sur lesdites sommes non versées ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 59-1479 du 28 décembre 1959 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 47-1457 du 4 août 1947 ;

Vu le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;

Vu le décret n° 2001-878 du 24 septembre 2001 ;

Vu le décret n° 2006-1546 du 7 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Francine Mariani-Ducray, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat de M. A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Ecole des hautes études en santé publique,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de M. A et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Ecole des hautes études en santé publique,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui appartenait au corps des ingénieurs d'étude et de fabrication du ministère de la défense et y percevait une indemnité compensatrice en application de l'article1er du décret du 24 septembre 2001 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense, a été admis par concours à être détaché en qualité de stagiaire des personnels de direction des établissements mentionnés à l'article 2 (1°, 2° et 3°) de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, pour suivre à l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes (ENSP) la formation d'élève directeur d'hôpital ; que le tribunal administratif de Rennes, par un jugement suffisamment motivé, a rejeté la requête de M. A tendant à ce que soit annulée la décision du 22 novembre 2004 par laquelle le directeur de l'ENSP a décidé d'interrompre le versement à son bénéfice d'une indemnité différentielle, et à fin d'indemnisation ;

Considérant que la décision d'interruption de versement de l'indemnité compensatrice signée le 22 novembre 2004, laquelle était suffisamment motivée en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, est au nombre des actes pour lesquels la directrice des ressources humaines de l'ENSP avait reçu une délégation de signature par la décision du directeur du 24 juillet 2003, produite devant le tribunal administratif ; que c'est par une erreur matérielle sans incidence sur la régularité du jugement que le tribunal administratif a cité comme fondement de la délégation de signature non cette décision mais une décision du 20 décembre 2004 ;

Considérant que M. A n'est pas recevable à invoquer, pour la première fois en cassation, un défaut de publicité régulière de la délégation de signature en date du 24 juillet 2003, alors même que l'existence de la délégation avait été discutée devant les juges du fond, dès lors qu'un tel défaut ne ressortait pas manifestement des pièces du dossier qui leur était soumis ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que la directrice des ressources humaines était compétente pour signer la décision attaquée ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général ne garantit à l'ensemble des fonctionnaires qui bénéficient d'une indemnité compensatrice dans le corps auquel ils appartiennent, le maintien de cette indemnité en position de détachement dans un autre corps ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 4 août 1947, prévoyant l'attribution d'une indemnité compensatrice aux fonctionnaires et agents de certains services qui font l'objet d'une promotion ou d'une nomination, dans un cadre normal de fonctionnaires titulaires de l'Etat, à un grade comportant un traitement inférieur à celui qu'ils percevaient antérieurement, dont les dispositions ont été rendues applicables à la fonction publique hospitalière par l'article 77 de la loi du 9 janvier 1986 : En l'absence de dispositions statutaires contraires, les fonctionnaires de l'Etat (...) qui font l'objet d'une nomination à un grade de fonctionnaire titulaire différent soit dans leur corps d'origine, soit dans un autre corps d'une administration de l'Etat, sont nommés à l'échelon de début de leur nouveau grade. / (...) / Au cas où la rémunération afférente à cet échelon de début se trouverait inférieure à celle qu'ils percevaient antérieurement, une indemnité compensatrice sera accordée aux personnes visées aux deux alinéas précédents dans les conditions déterminées par les articles ci-dessous. ; que ces dispositions, pas plus que celles de l'article 4, ne bénéficient aux stagiaires mais seulement aux fonctionnaires titulaires ; que le corps d'origine du requérant n'est pas au nombre des catégories d'agents énumérées à l'article 7 de ce décret et auxquelles le bénéfice d'une indemnité compensatrice est accordé ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que le tribunal administratif, en jugeant que les dispositions du décret du 4 août 1947 ne lui sont pas applicables, aurait commis une erreur de droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : sauf disposition contraire du statut particulier applicable à son corps, cadre d'emplois ou emploi, l'agent stagiaire qui a la qualité de fonctionnaire titulaire dans un autre corps, cadre d'emplois ou emploi est placé durant son stage en service détaché et peut opter pour le maintien, pendant la période du stage, du traitement indiciaire auquel il avait droit dans son corps, cadre d'emploi ou emploi d'origine, dans la limite supérieure du traitement auquel il pourra prétendre lors de sa titularisation. ; que ces dispositions ne mentionnent que le maintien du traitement indiciaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 24 septembre 2001 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense : Les techniciens supérieurs d'études et de fabrications (...) nommés ingénieurs d'études et de fabrications qui recevaient dans leur ancienne situation une rémunération globale supérieure à celle qui résulte de leur classement dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrications perçoivent une indemnité compensatrice dans les conditions fixées par le présent décret. ; qu'aucune disposition de ce décret ne prévoit le maintien du bénéfice de cette indemnité compensatrice aux ingénieurs d'études et de fabrications placés en position de détachement hors de ce corps ;

Considérant qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en jugeant que l'administration avait exactement calculé la rémunération devant lui être servie sur la seule base du traitement afférent à l'indice brut 419 applicable aux élèves directeurs, sans tenir compte de l'incidence de l'indemnité compensatrice des ingénieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense, le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit ;

Considérant que les fonctionnaires relevant d'un corps de la fonction publique hospitalière ne peuvent se prévaloir d'un droit qui résulterait de la loi du 18 décembre 1959 autorisant des fonctionnaires de l'ordre technique de l'Etat à opter, lors de leur mise à la retraite, pour une pension ouvrière ; que, dès lors, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait méconnu le principe d'égalité entre agents publics ;

Considérant qu'une décision pécuniaire irrégulière peut être abrogée pour l'avenir sans que son bénéficiaire puisse se prévaloir de son caractère créateur de droit ; qu'il ressort au surplus des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision d'attribution d'indemnité à compter du 5 janvier 2004 à M. A était assortie de la mention de vérification ultérieure de sa régularité ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que M. A n'avait pas de droit acquis au maintien du bénéfice de l'indemnité doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif, en jugeant que la décision du directeur de l'ENSP ne présentait pas de caractère fautif et en estimant qu'aucune indemnité ne lui était due, aurait commis une erreur de qualification juridique ;

Considérant par suite que le pourvoi doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ENSP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A en application de ces dispositions le versement de la somme que demande l'ENSP ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. Pierre A est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de l'Ecole des hautes études en santé publique tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A, au directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et à la ministre de la santé et des sports.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319613
Date de la décision : 14/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - EXISTENCE - LITIGES RELATIFS À LA SITUATION INDIVIDUELLE DES AGENTS PUBLICS - À L'EXCEPTION DE CEUX CONCERNANT L'ENTRÉE AU SERVICE - LA DISCIPLINE ET LA SORTIE DU SERVICE (ART - R - 222-13 - 2° DU CJA) - NOTION D'ENTRÉE AU SERVICE - EXCLUSION - PASSAGE DE LA FONCTION PUBLIQUE D'ETAT À LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE PAR LA VOIE DU CONCOURS INTERNE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

17-05-012 Le passage de la fonction publique d'État à la fonction publique hospitalière par la voie d'un concours interne concerne le déroulement de la carrière. En cas de litige porté devant le tribunal administratif et relatif à un tel passage, la voie de l'appel est fermée (sol. impl.).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - INDEMNITÉS ET AVANTAGES DIVERS - INDEMNITÉ COMPENSATRICE POUR LES FONCTIONNAIRES ET AGENTS DE CERTAINS SERVICES AYANT FAIT L'OBJET D'UNE PROMOTION OU D'UNE NOMINATION (ART - 1ER DU DÉCRET DU 4 AOÛT 1947) - RENDUE APPLICABLE À LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE (ART - 77 DE LA LOI DU 9 JANVIER 1986) - CHAMP D'APPLICATION - STAGIAIRES - EXCLUSION.

36-08-03 Les dispositions de l'article 1er du décret n° 47-1457 du 4 août 1947, prévoyant l'attribution d'une indemnité compensatrice aux fonctionnaires et agents de certains services qui font l'objet d'une promotion ou d'une nomination, dans un cadre normal de fonctionnaires titulaires de l'Etat, à un grade comportant un traitement inférieur à celui qu'ils percevaient antérieurement, ont été rendues applicables à la fonction publique hospitalière par l'article 77 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986. Ces dispositions bénéficient seulement aux fonctionnaires titulaires et ne sont pas applicables aux stagiaires.


Références :

[RJ1]

Cf. 13 décembre 2005, Aguerre, n° 274464, T. p. 804.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2009, n° 319613
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Francine Mariani-Ducray
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:319613.20091014
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