Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2009, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par Mme Antoinette A, demeurant ..., M. Adrien B, demeurant au centre d'accueil pour demandeurs d'asile à l'armée du salut, 191 rue de la vallée au Havre (76600), M. Marcellin C, demeurant ... et M. Jean-Léonard D, demeurant ... ; Mme A, M. B, M. C et M. D demandent au juge des référés du Conseil d'État :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 5 juin 2009 du consul général de France à Sydney (Australie), lui refusant un visa de court séjour en qualité de membre de famille de réfugié statutaire ;
2°) d'accorder l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de MM. Adrien B, Marcellin C et Jean-Léonard D, sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que leur requête est recevable ; qu'il y a urgence dès lors qu'ils sont séparés depuis plus de trois ans et que les enfants de Mme A sont dans l'impossibilité de lui rendre visite en Australie ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que celle-ci méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale ;
Vu le recours du 27 juillet 2009 adressé à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par Mme A, M. B, M. C et M. D ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2009, présenté par le ministre de l'immigration de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre de l'immigration de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire soutient que l'urgence n'est pas caractérisée dès lors que Mme A ne saurait sérieusement soutenir l'existence d'un préjudice grave et immédiat résultant de la décision contestée alors même qu'elle ne justifie pas de circonstances particulières qui empêcheraient ses fils de lui rendre visite en Australie ; que la décision contestée ne présente aucun doute quant à sa légalité ; que celle-ci n'a pas été prise au terme d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que Mme A ne justifie pas des ressources suffisantes pour séjourner en France pendant un mois et, d'autre part, que sa démarche présente un risque manifeste de détournement de l'objet du visa sollicité ; qu'elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales dès lors qu'il n'est ni établi ni allégué que les enfants de Mme A sont dans l'impossibilité de lui rendre visite en Australie ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre, présenté par Mme A et autres, qui reprend les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent que leurs conclusions tendant à la suspension de la décision par laquelle les autorités consulaires ont refusé un visa doivent être regardées comment tendant à la suspension de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; qu'en outre, Mme A verse au dossier les pièces de nature à démontrer qu'elle dispose des garanties financières suffisantes quant au financement de son séjour en France ; que Mme A n'a aucun projet d'établissement en France, dès lors qu'elle a construit sa vie en Australie ; que s'il est vrai qu'elle n'a retrouvé ses fils qu'en novembre 2008, elle justifie entretenir depuis des liens réguliers avec eux ; qu'en outre, ces derniers sont dans l'impossibilité de venir lui rendre visite en Australie, dès lors qu'aucun d'entre eux ne dispose de document les autorisant à séjourner hors du territoire français ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A, M. B, M. C, M. D et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 octobre 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Coutard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;
- la représentante des requérants ;
- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 12 octobre 2009 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 8 octobre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui tend aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que MM. C, B et D sont détenteurs d'un récépissé de demande de titre de séjour en qualité de réfugiés statutaires, délivrés les 6 juillet, 8 septembre et 14 août 2009, qu'à l'expiration de ces récépissés ils bénéficieront d'un titre de séjour en qualité de réfugié les 13 novembre et 7 décembre 2009, à l'exception de M. C qui a informé la préfecture de la Seine-Maritime, le 23 juillet 2009, qu'il souhaitait retourner à Mayotte, que dès lors ils seront en mesure de voyager ;
Vu le mémoire en duplique, enregistré le 12 octobre 2009, présenté par Mme A et autres, qui reprend les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent que les autorités consulaires et la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ont commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur l'insuffisance des ressources de Mme A pour refuser de lui délivrer le visa sollicité dès lors qu'elles ont estimé que ses bulletins de salaire étaient mensuels alors même qu'ils sont hebdomadaires ; que M. C n'a pas l'intention de rentrer à Mayotte, qu'en effet la préfecture de Seine-Maritime refuse de faire droit à sa demande en vue d'obtenir une carte de résident ; que les fils de Mme A ne sont pas en mesure de voyager dès lors qu'un titre de voyage est nécessaire pour sortir du territoire français et que celui-ci est fourni après en avoir fait la demande auprès de la préfecture sur présentation d'une carte de résident ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que Mme Antoinette A est une ressortissante rwandaise qui a quitté son pays d'origine en avril 2006 et obtenu le statut de réfugié auprès des autorités australiennes en octobre 2008 ; que le 29 mai 2009, elle a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Sidney un visa de court séjour afin de rendre visite à ses trois fils, qui ont obtenu le statut de réfugié en France au début de l'année 2009 ; qu'une décision de refus lui a été opposée le 5 juin 2009 ; qu'elle a contesté cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa le 27 juillet 2009; que si elle a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'annulation de la décision des autorités consulaires le 9 septembre 2009, ses conclusions doivent être regardées comme étant également dirigées contre la décision implicite de rejet née le 28 septembre 2009 du silence gardé par la commission ; que par suite la fin de non recevoir opposée par le ministre à ses conclusions doit être écartée ;
Considérant que Mme A, réfugiée statutaire installée en Australie et qui est séparée de ses fils depuis le mois d'avril 2006, justifie de circonstances particulières tenant à l'impossibilité pour ses fils, installés en France et dont aucun ne possède encore de titre de séjour pour réfugié, de rendre visite à leur mère en Australie ; que ces circonstances sont constitutives d'une situation d'urgence ;
Considérant que la décision de refus de visa est motivée par l'insuffisance de garanties relatives au financement du séjour de Mme A en France et par l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa ; que toutefois, le moyen tiré de ce que l'administration a commis une erreur d'appréciation en estimant, au vu des ressources de l'intéressée, que cette dernière ne disposait pas des garanties financières suffisantes quant au financement de son séjour en France, est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision ; qu'il en va de même du moyen tiré de ce que l'administration a entaché d'erreur son appréciation de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa sollicité ;
Considérant qu'il y a lieu, par suite, de suspendre l'exécution de la décision de refus de visa et d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de Mme Antoinette A, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'une somme de 1 500 euros sera mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La décision implicite de refus prise le 28 septembre 2009 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de visa présentée par Mme Antoinette A dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : Une somme de 1 500 euros est mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Antoinette A, M. Adrien B, M. Marcellin C, M. Jean-Léonard D et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.