Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE ROURA (Guyane), représentée par son maire ; la COMMUNE DE ROURA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 23 juin 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, faisant partiellement droit à la demande de M. Tou Yi A, a suspendu l'exécution de la décision du maire en date du 21 avril 2006 mettant fin aux fonctions de l'intéressé à compter du 1er mai 2006 et a ordonné à la commune de réintégrer M. A dans ses effectifs dans le délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 juillet 1984 ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la COMMUNE DE ROURA (Guyane) et Me Brouchot, avocat de M. Tou yi A,
- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la COMMUNE DE ROURA (Guyane) et à Me Brouchot, avocat de M. Tou yi A ;
Considérant que la COMMUNE DE ROURA se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 juin 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, faisant partiellement droit à la demande de M. Tou Yi A, agent contractuel employé par la commune, a suspendu l'exécution de la décision du maire en date du 21 avril 2006 mettant fin aux fonctions de l'intéressé à compter du 1er mai 2006, et a ordonné à la commune de réintégrer M. A dans ses effectifs dans le délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant que le juge des référés a fait droit à la demande de suspension présentée par M. A en omettant de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, tirée de ce que la demande de M. A était irrecevable faute pour l'intéressé d'avoir produit à l'appui de sa demande de suspension une copie de sa requête en annulation de la décision litigieuse ; que l'ordonnance attaquée est ainsi entachée d'irrégularité et que la COMMUNE DE ROURA est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE ROURA :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que le second alinéa de l'article R. 522-1 du même code dispose : La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit contenir l'exposé au moins sommaire des faits et moyens et justifier de l'urgence de l'affaire. / A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière ; que si, en l'absence de production d'une copie de la requête au fond, le juge des référés peut ne pas opposer d'irrecevabilité à la demande de suspension dès lors qu'il constate lui-même que la requête au fond a été enregistrée au greffe, il doit dans ce cas verser cette requête au dossier et la communiquer afin que soit respecté le caractère contradictoire de l'instruction ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la requête en annulation de M. A, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 19 juin, a été versée au dossier et communiquée par télécopie à la COMMUNE DE ROURA le 22 juin, veille de l'audience de référé ; que, dans ces conditions, l'exception d'irrecevabilité opposée par la commune à la demande de suspension de M. A ne peut qu'être écartée ;
Sur la demande de suspension :
Considérant que M. A justifie de l'urgence à demander la suspension de l'exécution de la décision du 21 avril 2006 mettant fin à ses fonctions à compter du 1er mai 2006 par les conséquences qu'entraîne la décision attaquée sur ses conditions d'existence et celles de sa famille, en le privant de rémunération ; que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 doit ainsi être regardée comme remplie ;
Considérant que le moyen tiré du caractère disciplinaire de la décision du maire de Roura mettant fin aux fonctions de M. A paraît, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; que, contrairement à ce que soutient la commune, la seule circonstance qu'elle ne puisse légalement recruter un contractuel, n'était pas, à elle seule, de nature à fonder légalement le licenciement ; qu'il y a lieu par suite d'ordonner, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 21 avril 2006 jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête de l'intéressé tendant à son annulation pour excès de pouvoir ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant que la suspension de la décision litigieuse implique nécessairement que la COMMUNE DE ROURA réintègre M. A dans ses effectifs à compter du 1er mai 2006, dans l'attente du jugement au fond du litige ; qu'il y a lieu d'ordonner à la commune d'y procéder dans le délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE ROURA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune le versement d'une somme de 2000 euros au titre des frais exposés par M. A devant le juge des référés ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne du 23 juin 2006 est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du maire de Roura mettant fin aux fonctions de M. A à compter du 1er mai 2006 est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint à la COMMUNE DE ROURA de réintégrer M. A dans ses effectifs à compter du 1er mai 2006 dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Article 4 : La COMMUNE DE ROURA versera à M. A la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la COMMUNE DE ROURA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE ROURA (Guyane), à M. Tou Yi A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.