Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Marie A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 1993 du ministre de l'économie et des finances lui concédant une pension de retraite, en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification pour enfants prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
2°) d'enjoindre au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, notamment son article 141 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ancien lieutenant-colonel à qui une pension de retraite avait été concédée par un arrêté du 21 juin 1993, se prévaut de l'absence de notification régulière de cet arrêté pour en demander l'annulation, au motif qu'il ne prend pas en compte la bonification pour enfants prévue par les dispositions, alors en vigueur, du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant que si ces dispositions réservaient aux femmes fonctionnaires le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant qu'elles instituent, le principe de l'égalité des rémunérations énoncé par les stipulations, alors en vigueur, de l'article 141 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne et applicable aux pensions servies par le régime de retraite des fonctionnaires, s'oppose à ce que l'avantage ainsi accordé aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants soit réservé aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants en seraient exclus ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors qu'il n'est pas contesté que M. A avait assuré l'éducation de ses deux enfants, l'arrêté du 21 juin 1993 portant concession de sa pension est entaché d'illégalité ; que, dès lors, le requérant est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation, dans la mesure où il ne comporte pas le bénéfice de la bonification pour enfants prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures ;
Considérant, d'une part, qu'un recours contentieux directement formé contre un arrêté de concession de pension en vue d'en remettre en cause le montant implique nécessairement, s'il est accueilli, que l'administration procède, en prenant un nouvel arrêté, à une nouvelle liquidation de la pension ; que par suite lorsque, comme en l'espèce, le titulaire d'une pension, qui n'en a pas demandé la révision dans le délai d'un an prévu à l'article L. 55 du même code, est néanmoins recevable à saisir directement le juge d'un recours contre un arrêté de concession qui n'avait pas fait l'objet d'une notification comportant l'indication des voies de recours, la demande ainsi présentée doit être regardée comme une demande de liquidation de pension, au sens de l'article L. 53 de ce code ; qu'il suit de là que l'administration est en pareille hypothèse en droit de lui opposer la prescription résultant de cette disposition, hormis le cas où le délai mis par l'intéressé à présenter une telle demande ne serait pas imputable à son fait personnel ;
Considérant, d'autre part, qu'aucune circonstance ne faisait obstacle à ce que M. A présente, dès la notification de son titre de pension, un recours tendant à obtenir une nouvelle demande de liquidation de pension, en contestant l'absence de la bonification dont il revendique le bénéfice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A, qui n'a présenté sa requête tendant à obtenir une nouvelle demande de liquidation de sa pension que le 1er décembre 2008, ne peut prétendre aux arrérages de cette pension qu'à compter du 1er janvier 2004 ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. A lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension à compter du 1er janvier 2004 ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 21 juin 1993 concédant à M. A sa pension est annulé en tant qu'il ne comporte pas le bénéfice de la bonification pour enfants.
Article 2 : Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique modifiera les conditions dans lesquelles la pension de M. A lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension à compter du 1er janvier 2004.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie A, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au ministre de la défense.