Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mai et 15 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI LES BLES D'OR, dont le siège est 127, rue Gambetta à Suresnes (92150) ; la SCI LES BLES D'OR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 janvier 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Nantes à lui verser la somme de 12 966 127 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 1998 et capitalisation des intérêts, en réparation des conséquences dommageables résultant de l'abandon par la commune de Nantes du projet d'aménagement de l'Ilot de la Boucherie pour la réalisation duquel elle s'était contractuellement engagée ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2009, présentée pour la SCI LES BLES d'OR ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SCI LES BLES D'OR et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la ville de Nantes,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SCI LES BLES D'OR et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la ville de Nantes ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 9 janvier 1995, la commune de Nantes et la SCI LES BLES D'OR ont signé une convention visant, dans le cadre de la réalisation par la SCI d'un ensemble immobilier sur l'îlot de la Boucherie comprenant notamment une galerie destinée à permettre le passage de la future 3ème ligne nord du tramway, à déterminer les modalités de prise en charge des frais relatifs aux fouilles archéologiques préalables à l'exécution des travaux, à convenir de la cession réciproque de parcelles situées sur l'îlot, et à préciser les conditions de réalisation et de cession de la galerie; que, le projet n'ayant finalement pas été réalisé, la SCI LES BLES D'OR a mis en cause la responsabilité contractuelle de la commune de Nantes et demandé la condamnation de cette collectivité publique à lui verser une somme de 12 966 127 euros, en réparation des conséquences dommageables résultant, selon elle, de l'impossibilité dans laquelle l'a placée la commune de réaliser l'opération projetée ; que la société requérante se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 janvier 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 21 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la convention signée entre la SCI LES BLES D'OR et la commune de Nantes avait notamment pour objet la réalisation par la SCI d'un ouvrage public et la remise de celui-ci à la commune ; qu'eu égard à l'objet et à l'économie générale de la convention, qui forme un tout indivisible, la cour administrative d'appel, qui a interprété les écritures de la requérante comme invoquant la théorie de l'imprévision, ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, juger que celle-ci n'était, par principe, pas applicable à une telle convention ; que par suite, la SCI LES BLES D'OR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond au titre de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Nantes ;
Sur les conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la commune :
Considérant, en premier lieu, que la société requérante fait valoir que la commune de Nantes aurait renoncé, dès la fin de 1996, au projet qui les liait et que cette renonciation doit être regardée comme une résiliation unilatérale de la convention du 9 janvier 1995 ; que, toutefois, si les termes de la lettre du 19 novembre 1996 adressée à la SCI, par laquelle le maire de Nantes estime qu'une solution plus classique de construction uniquement sur l'emprise de [son] terrain, éventuellement complétée par les délaissés de parcelles non utilisés pour le passage du tramway et le traitement de ses abords mériterait notamment d'être étudiée , formulent une proposition de modification des engagements réciproques stipulés dans la convention, ils ne sauraient être interprétés comme établissant un refus du maire d'exécuter la convention ou une volonté de la résilier unilatéralement ; qu'un tel refus ne résulte pas des échanges de courriers qui se sont poursuivis entre la société requérante, qui n'a, de son côté, pas engagé de travaux, et la commune de Nantes, ni d'aucune autre pièce du dossier ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que la commune de Nantes n'aurait pas exécuté la convention du 9 janvier 1995 de bonne foi et se serait même livrée à des manoeuvres dans le but d'obtenir un abandon du projet ;
Mais considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Nantes aurait refusé d'exécuter ses engagements, notamment ceux concernant la cession de diverses parcelles ; que d'ailleurs, la société n'établit pas avoir demandé à la commune de lui céder les parcelles dont la cession était prévue par la convention ; que, d'autre part, si la SCI LES BLES D'OR soutient que la commune se serait efforcée de faire échec à l'exécution de la convention, il ne résulte de l'instruction ni que l'arrêté du 21 novembre 1996 du maire de la commune refusant de proroger le permis du 9 décembre 1994, bien qu'il ait fait l'objet d'une annulation par une décision du 5 novembre 2003 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, ait été pris dans le but de faire échec à l'exécution de la convention, ni que la mise à l'enquête publique, engagée par un arrêté du préfet des Pays de Loire du 14 août 1997, d'un projet de réalisation de la 3ème ligne de tramway sur le territoire de la commune de Nantes, dont la compétence ressortissait d'ailleurs au district de l'agglomération nantaise et non à la commune, constituerait, de la part de cette dernière, une manoeuvre visant à faire obstacle à l'exécution du contrat ;
Considérant, enfin, que la lettre que le maire de Nantes a adressée à la SCI LES BLES D'OR le 17 novembre 1997, lui proposant l'acquisition à l'amiable par la ville des parcelles dont la société était propriétaire pour un montant de 10 MF, ne constitue pas la reconnaissance, par cette collectivité publique, d'une méconnaissance de ses obligations contractuelles susceptible d'engager sa responsabilité et que la non prorogation de la validité du permis de construire ne saurait constituer, pour la SCI LES BLES D'OR, dont il ne ressort pas de l'instruction qu'elle ait auparavant entrepris quoi que ce soit pour éviter la péremption de ce permis, un évènement imprévisible ayant causé un préjudice dont la charge devrait être supportée par la commune de Nantes ;
Sur les conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité extra-contractuelle de la commune :
Considérant que la SCI LES BLES D'OR, qui est liée à la commune de Nantes par la convention du 9 janvier 1995 mentionnée ci-dessus, ne peut exercer, en se prévalant d'engagements de la commune de Nantes ayant les mêmes objets que ceux des engagements formalisés dans la convention du 9 janvier 1995, en raison des préjudices dont elle demande réparation, d'autre action que celle procédant de ce contrat ; qu'elle n'est ainsi pas recevable à rechercher la responsabilité extra-contractuelle de la commune ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI LES BLES D'OR n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demande la SCI LES BLES D'OR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la commune en appel et en cassation, et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 janvier 2006 est annulé.
Article 2 : L'appel de la SCI LES BLES D'OR ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La SCI LES BLES D'OR versera une somme de 3 000 euros à la commune de Nantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI LES BLES D'OR et à la commune de Nantes.
Une copie sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.