Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 14 novembre 2008, 19 décembre 2008 et 7 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Georges A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune d'Argenteuil et à ce que M. Philippe B soit déclaré inéligible ;
2°) d'annuler ces opérations électorales et de prononcer l'inéligibilité de M. Philippe B ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat M. B,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat M. B ;
Considérant qu'à l'issue des opérations électorales du second tour qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune d'Argenteuil, la liste conduite par M. B a obtenu 14 672 voix et celle conduite par le maire sortant, M. A, 14 345 voix ; que l'écart de voix entre les deux listes s'élève donc à 327 ; que M. A fait appel du jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa protestation ;
Sur les griefs tirés de l'existence de pressions et d'émargements irréguliers :
Considérant que les pressions alléguées sur des électeurs à l'intérieur de certains bureaux de vote, qui n'ont fait l'objet d'aucune mention sur les procès-verbaux des bureaux de vote concernés, ne sont pas établies ;
Considérant que M. A, qui n'avait soulevé un grief relatif à la régularité, au regard de l'article L. 62-1 du code électoral, des émargements sur la liste électorale, dans sa protestation enregistrée au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans le délai de cinq jours imparti par l'article R. 119 du code électoral, que pour seize bureaux de vote, n'est recevable à développer ce grief après l'expiration de ce délai en invoquant l'irrégularité d'autres émargements que pour les mêmes bureaux de vote ; qu'à supposer même que 96 émargements au total dans ces seize bureaux de vote présenteraient des différences manifestes et inexpliquées entre les deux tours de scrutin et ne pourraient par suite être regardés comme garantissant l'authenticité de ces votes, cette circonstance ne serait en tout état de cause pas de nature, eu égard à l'écart de 231 voix entre les deux listes en présence qui en résulterait, à avoir altéré la sincérité du scrutin ;
Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 51 et L. 240 du code électoral :
Considérant qu'il ne résulte de l'instruction ni que l'apposition en dehors des emplacements spéciaux prévus par l'article L. 51 d'affiches en faveur de la liste conduite par M. B, ni que la distribution de tracts et de brochures en faveur de la même liste en méconnaissance des dispositions de l'article L. 240, ni que des dégradations d'affiches en faveur de la liste conduite par M. A aient été de nature à altérer la sincérité des résultats du scrutin ;
En ce qui concerne les griefs tirés d'abus de propagande :
Considérant que les organes de presse sont libres de prendre position en faveur des candidats de leur choix ; que ni les tracts reprenant des articles publiés dans la presse et mettant en cause un des candidats de la liste de M. A ni ceux contestant la politique, notamment en matière de logement, qui avait été menée par la municipalité sortante, n'ont excédé les limites de la polémique électorale et qu'il résulte de l'instruction que les intéressés ont été en mesure d'y répondre ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'emploi par M. B dans sa profession de foi des termes votre maire pour parler de lui-même aurait induit en erreur les électeurs sur l'identité du maire sortant ;
En ce qui concerne les griefs tirés de diffusions tardives de propagande électorale :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 49 du code électoral : Il est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents. / A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les messages envoyés sur téléphone mobile ( SMS ) le 15 mars 2008 invitant à voter pour la liste conduite par M. B, dont les destinataires ne sont, au demeurant, pas établis, aient été, à supposer même qu'ils n'aient pas été émis dans des conditions respectant des recommandations de la Commission nationale informatique et libertés, de nature à altérer les résultats du scrutin ;
Considérant que le maintien sur un site Internet, le jour du scrutin, d'éléments de propagande électorale ne constitue pas, en l'absence de modification assimilable à la diffusion de nouveaux messages, une opération de diffusion prohibée par les dispositions du second alinéa de l'article L. 49 ; que si le message d'un sympathisant a été mis, le jour de l'élection, sur le site de campagne de M. B, ce message, qui n'a apporté aucun élément au débat électoral, n'a pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant que les deux attestations d'électeurs mentionnant la distribution dans des boîtes aux lettres, le jour du second tour de scrutin, d'un tract relatif à la politique du logement menée par le maire sortant, qui était un des éléments de la polémique électorale, ainsi que de l'article de presse qui avait déjà été diffusé antérieurement ne suffisent pas à établir que cette distribution tardive aurait altéré la sincérité du scrutin ; qu'il en va de même de l'attestation de deux électeurs sur une visite à des fins électorales qu'un membre de la confédération nationale du logement aurait faite à leur domicile le même jour ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'écart des voix obtenues par les deux listes en présence, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles s'est déroulée la campagne électorale aient été de nature à altérer les résultats du scrutin ;
Sur les griefs relatifs au financement de la campagne électorale de M. B :
Considérant, que, par une décision du 9 juillet 2008, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à laquelle les griefs de la protestation de M. A avaient été communiqués, a, après réformation, approuvé le compte de campagne de M. B comportant des dépenses pour un montant total de 106 517 euros, inférieur au plafond légal de dépenses applicable, qui s'élevait à 145 510 euros ;
En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons, sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais engagés par la fédération du Val d'Oise du Mouvement des jeunes socialistes pour la campagne électorale en faveur de la liste conduite par M. B ont été pris en charge par la fédération du Val d'Oise du parti socialiste, laquelle constitue un parti politique au sens des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 ; qu'il en résulte que cette prise en charge n'a pas méconnu ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B a remboursé au conseil général et fait figurer dans ses dépenses de campagne le coût de cartes de voeux et d'une cérémonie des voeux pour des montants dont il n'est pas établi qu'ils seraient sous-évalués ; que, si des militants ont utilisé une quinzaine d'enveloppes du conseil général pour diffuser de la propagande électorale, cette irrégularité, compte tenu du très faible coût de l'avantage en cause, ne saurait entraîner le rejet du compte de campagne du candidat ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tract de la Confédération nationale du logement critiquant la politique de la municipalité sortante en matière de logement, sans d'ailleurs appeler à voter pour la liste menée par M. B, ait été diffusé avec l'accord même tacite de celui-ci ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance, au profit de la liste conduite par M. B, des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 doivent être écartés ;
En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 52-11 et L. 52-12 du code électoral :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection (...) par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que MM. B et E étaient tous deux candidats pour être placés à la tête de la liste présentée par le parti socialiste en vue des élections municipales d'Argenteuil des 9 et 16 mars 2008 ; qu'à la suite d'une élection interne à ce parti, MM. B et E ont été, le 18 décembre 2007, placés respectivement en première et troisième position sur cette liste ; que les actions de propagande menées par M. E avant le 18 décembre 2007, incluant notamment la diffusion en octobre, novembre et décembre 2007 et la reprise en affichage de trois lettres d'expressions citoyennes , la distribution d'un tract intitulé agir vraiment pour Argenteuil - Faouzi E et présentant au recto la photographie de M. E et au verso une incitation à l'inscription sur les listes électorales, ont eu pour but de le promouvoir et de favoriser auprès des adhérents de son parti politique sa candidature à l'investiture de ce parti en tant que tête de liste ; qu'il en va de même des dépenses facturées par l'imprimerie Roques et fils et l'entreprise Babel Pub dont il résulte de l'instruction qu'elles ne correspondent pas à des prestations livrées postérieurement au 18 décembre 2007 ; que dès lors ces dépenses, engagées avant la désignation de M. B comme tête de la liste présentée par le parti socialiste n'ont pas été engagées ou effectuées en vue de l'obtention du suffrage des électeurs pour l'élection des conseillers municipaux de la commune d'Argenteuil ; que, par suite, c'est à bon droit que M. B ne les a pas fait figurer dans son compte de campagne ;
Considérant que les dépenses exposées postérieurement au 18 décembre 2007 par M. E en vue de la campagne électorale figurent dans le compte de campagne de M. B, pour un montant dont il n'est pas établi qu'il serait sous-évalué ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B aurait omis d'intégrer dans son compte de campagne certaines dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection ou qu'il les y aurait inscrites pour un montant sous-évalué ; que figurent ainsi dans son compte de campagne, pour des montants dont il n'est pas établi qu'ils seraient inférieurs aux coûts réels, les frais correspondant aux tracts, brochures, site Internet et objets de propagande électorale, à des petits-déjeuners, à la réunion organisée avec le parti Lutte Ouvrière, à la location d'un local sis 32, rue Denis Roy, à la permanence électorale du 8, avenue Gabriel Péri, à l'utilisation à des fins de propagande électorale d'une camionnette appartenant à M. B, aux cartes de voeux adressés par M. B en sa qualité de conseiller général et à la cérémonie des voeux organisée à ce même titre ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que constitueraient des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, à intégrer dans le compte de campagne, la location par M. E d'un logement situé au premier étage d'un immeuble sis à Argenteuil, la réunion organisée le 24 juin 2007 par un collectif de jeunes sur le thème de l'engagement citoyen, à laquelle ont participé notamment M. E et un co-listier de M. A ainsi que le blog tenu par un militant écologiste ; que l'absence de mention des dépenses correspondantes dans le compte de campagne ne saurait dès lors entraîner le rejet de celui-ci ;
Considérant, enfin, que s'il n'est pas contesté ni que quelques exemplaires du tract de M. B adressé aux personnels municipaux ont été transmis par mégarde sous enveloppe du conseil général ni que les blogs argenteuilagauche , desirsdavenirvaldoise et jeunesargenteuillais ont contenu de la propagande électorale dont le coût aurait dû figurer dans son compte de campagne, la circonstance que les dépenses correspondantes n'y ont pas été intégrées ne saurait, eu égard à leur très faible montant, entraîner le rejet du compte de campagne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 52-11 et L. 52-12 doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa protestation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A la somme de 6 000 euros que M. B demande au titre des frais des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Georges A, à M. B, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.