Vu 1°), sous le n° 318066, l'ordonnance du 26 juin 2008, enregistrée le 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SOCIETE L'OASIS DU DESERT ;
Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2008 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par la SOCIETE L'OASIS DU DESERT, dont le siège est 46, boulevard du Temple à Paris (75011), représentée par son gérant ; la SOCIETE L'OASIS DU DESERT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 avril 2008 par laquelle la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a refusé de proposer l'abrogation du décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 318068, l'ordonnance du 26 juin 2008, enregistrée le 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par le SYNDICAT UNION DES PROFESSIONNELS DU NARGUILE ;
Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2008 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par le SYNDICAT UNION DES PROFESSIONNELS DU NARGUILE, dont le siège est 2 avenue du Général Leclerc à Villepinte (93240), représenté par son président ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger le même décret du 15 novembre 2006 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;
Considérant que les requêtes de la SOCIETE L'OASIS DU DESERT et du SYNDICAT UNION DES PROFESSIONNELS DU NARGUILE sont dirigées contre les refus opposés à leurs demandes d'abrogation du décret du 15 novembre 2006, pris sur le fondement de l'article L. 3511-7 du code de la santé publique, aux termes duquel : " Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs./ Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de l'alinéa précédent " ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant, en premier lieu, que la décision du 9 avril 2008 refusant de proposer l'abrogation du décret litigieux a été signée par la sous-directrice de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, qui bénéficiait en cette qualité d'une délégation de signature de la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, en vertu du décret du 27 juillet 2005 ; que si ce décret exclut la signature de décrets par les délégataires, il n'a ni pour objet ni pour effet de les empêcher de signer des décisions refusant de proposer la modification ou l'abrogation d'un décret ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision du 9 avril 2008 doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 3511-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret du 15 novembre 2006, dispose que : " L'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs (...) et créés, le cas échéant, par la personne ou l'organisme responsable des lieux. " ; que l'article R. 3511-3, dans sa rédaction issue du même décret, définit les emplacements réservés comme des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée, et y interdit l'exécution de tâche d'entretien et de maintenance sans que l'air ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure ;
Considérant que le régime d'interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif mis en place, dans un objectif de protection de la santé publique, par le législateur, réserve uniquement la possibilité de fumer dans des emplacements expressément réservés aux fumeurs ; qu'en précisant, en vue de protéger les tiers et en particulier des salariés contre le risque de tabagisme passif, que ces emplacements ne peuvent correspondre à des locaux dans lesquels sont délivrées des prestations de service, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la portée des dispositions législatives mentionnées ci-dessus ; que, compte tenu tant des impératifs de santé publique, que de la portée des contraintes qu'il a posées, il n'a méconnu ni le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ni le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre, alors même que certaines entreprises, tels que les salons à narguilé, ont traditionnellement pour objet même de délivrer des prestations à leurs clients fumeurs et que de nombreux salons pourraient cesser leur activité ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, laquelle, en l'état actuel du droit, est dépourvue de la force juridique qui s'attache à un traité introduit dans l'ordre juridique interne ; que le décret du 15 novembre 2006 ne prive pas les associations ayant un objet en lien avec le tabac du droit de réunir leurs membres ; qu'ainsi, il ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée ni la liberté de réunion garantis par les articles 8 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE L'OASIS DU DESERT et le SYNDICAT UNION DES PROFESSIONNELS DU NARGUILE ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions qu'ils attaquent ; que leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE L'OASIS DU DESERT et du SYNDICAT UNION DES PROFESSIONNELS DU NARGUILE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE L'OASIS DU DESERT, au SYNDICAT UNION DES PROFESSIONNELS DU NARGUILE, au Premier ministre et à la ministre de la santé et des sports.