Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai et 29 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 3 octobre 2006 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2003 par laquelle le ministre de l'emploi a annulé la décision du 20 mars 2003 de l'inspectrice du travail et autorisé son licenciement économique ;
2°) de mettre à la charge de la société Péchiney électrométallurgie, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A et de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Ferropem,
- les conclusions de M. Yves Struillou, rapporteur public,
- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Ferropem ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 8 mars 2003, l'inspectrice du travail de la Haute-Garonne a refusé d'autoriser la société Péchiney électrométallurgie à licencier pour motif économique M. A, employé dans son établissement de Marignac et salarié protégé en sa qualité de délégué syndical, délégué du personnel et membre du comité d'établissement, au motif que l'employeur ne s'était pas acquitté de ses obligations de reclassement en refusant à M. A le bénéfice d'un congé de disponibilité prévu par le plan de sauvegarde des emplois, alors même qu'il répondait aux critères retenus ; que, par une décision du 19 septembre 2003, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M. A ; que, par un jugement du 3 octobre 2006, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de cette décision et que, par un arrêt du 4 mars 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement ; que M. A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce : Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la suite de la décision de l'inspectrice du travail refusant de l'autoriser à licencier M. A, la société Péchiney électrométallurgie a informé le salarié, par une lettre du 1er avril 2003, qu'elle lui accordait le congé de disponibilité dont il avait fait la demande et qui lui avait été refusé, sous réserve du résultat du recours hiérarchique qu'elle allait présenter auprès du ministre du travail ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. A, ait effectivement bénéficié du congé de disponibilité dans la période précédant la décision du ministre autorisant son licenciement ; que ce dernier a relevé que M. A s'était vu refuser le congé de disponibilité et n'a pas fait référence à l'attribution d'un congé de reclassement aux salariés ; que, dans ces conditions, en estimant pour rejeter sa demande que M. A avait bénéficié partiellement d'un congé de reclassement, alors même qu'il contestait dans ses écritures, conformément au motif retenu par le ministre, le refus de lui accorder un congé de disponibilité, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur des faits matériellement inexacts et a dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Péchiney électrométallurgie une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Péchiney électrométallurgie ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 4 mars 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La société Péchiney électrométallurgie versera à M. A la somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Péchiney électrométallurgie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A, à la société Péchiney électrométallurgie et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Copie en sera adressée pour information au président de la cour administrative d'appel de Bordeaux.