Vu, 1°) sous le numéro 308455, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 12 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY, dont le siège est Maison Belledonne 351, Montée de l'Eglise BP 39 à Saint Ismier (38331 Cédex), et la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL, dont le siège est Atlantis 1, avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78280) ; le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY (SIED) et la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL (SAUR) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, a annulé les jugements du 27 mars 2002 par lesquels le tribunal administratif de Lyon avait rejeté les demandes indemnitaires présentées par la société des papeteries de la gorge de Domène à l'encontre de la commune de Domène, du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY et de la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL, en raison des prélèvements d'eau effectués par ces derniers, d'autre part, a déclaré le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY (SIED) et la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL (SAUR) responsables des conséquences dommageables subies du fait des prélèvements supplémentaires effectués par eux sur la source de la Dhuy pour la période du 1er janvier 1994 au 27 mars 2002, et enfin, a ordonné une expertise avant de statuer sur les pertes financières subies par la société des papeteries de la gorge de Domène ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel de la société des papeteries de la gorge de Domène ;
3°) de mettre à la charge de la société des papeteries de la gorge de Domène une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le numéro 308546, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE DOMENE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE DOMENE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, a annulé les jugements du 27 mars 2002 par lesquels le tribunal administratif de Lyon avait rejeté les demandes indemnitaires présentées par la société des papeteries de la gorge de Domène à l'encontre de la COMMUNE DE DOMENE, du syndicat intercommunal des eaux de la Dhuy et la société SAUR, en raison des prélèvements d'eau effectués par ces derniers, d'autre part, a déclaré la commune responsable des conséquences dommageables subies du fait des prélèvements supplémentaires effectués par elle sur la source de la Dhuy pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2000, et enfin, a ordonné une expertise avant de statuer sur les pertes financières subies par la société des papeteries de la gorge de Domène ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société des papeteries de la gorge de Domène ;
3°) de mettre à la charge de la société des papeteries de la gorge de Domène la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 décembre 2008, présentée pour Me A, commissaire à l'exécution du plan de cession de la société de papeteries de la gorge de Domène ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 janvier 2009, présentée pour la COMMUNE DE DOMENE ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Guihal, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY et de la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL, de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE DOMENE et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Me Bruno A,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les pourvois du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY (SIED), de la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL (SAUR) et de la COMMUNE DE DOMENE sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société des papeteries de la gorge de Domène (SPGD), venant aux droits de la société hydroélectrique du Domeynon, exploite à Saint-Martin d'Uriage (Isère), en vertu d'une autorisation délivrée le 5 septembre 1910, une usine hydroélectrique alimentée par le torrent du Domeynon ; qu'en amont de cette installation, un captage, destiné à l'approvisionnement en eau potable, a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique le 11 avril 1937 au profit du SIED, dont les ouvrages sont gérés par la SAUR ; que le débit de 55 litres/seconde, que le SIED était initialement autorisé à prélever, a été porté, par un décret du 25 mars 1982, à 99 litres/seconde en hiver et 138 en été ; qu'une autorisation de dériver une partie de ce captage dans la limite de 25 litres/seconde a été délivrée le 12 mars 1974 à la COMMUNE DE DOMENE ; que la SPGD a demandé au SIED, à la SAUR et à la COMMUNE DE DOMENE l'indemnisation du préjudice qu'elle impute à ces captages pour la période du 1er janvier 1994 au 27 mars 2002 ; que ses demandes ont été rejetées par le tribunal administratif de Grenoble ; que par un arrêt du 12 juin 2007, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision de première instance, déclaré le SIED, la SAUR et la COMMUNE DE DOMENE responsables des conséquences dommageables provoquées par leurs prélèvements et ordonné une expertise pour évaluer le préjudice financier de la SPGD ;
Considérant que la cour administrative d'appel, après avoir rappelé que la responsabilité des défendeurs ne pouvait être engagée à l'égard de la société requérante, tiers par rapport à l'ouvrage public, que si le dommage revêtait un caractère anormal et spécial, se borne à énoncer que « le préjudice apparaît anormal et spécial au regard des pièces fournies » et entache ainsi sa décision d'une insuffisance de motivation ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que les requêtes d'appel de la société des papeteries de la gorge de Domème présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le SIED, la SAUR et la COMMUNE DE DOMENE ;
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la décision définitive rendue le 29 mai 2001 par la cour administrative d'appel de Lyon entre les mêmes parties sur une demande indemnitaire relative à un préjudice subi entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1993 est dépourvue d'autorité de chose jugée dans un litige portant sur une période différente ;
Considérant, d'autre part, que l'expert commis dans la précédente instance indiquait que le déficit de débit ne se traduisait pour la SPGD par un déficit énergétique qu'en l'absence de déversement à la prise d'eau et seulement si l'usine fonctionnait au maximum de sa capacité ; qu'il soulignait que la mise en place par la société requérante d'un enregistreur de débit, rendue obligatoire, au demeurant, par l'article 12 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau, était seule susceptible d'établir la réalité d'une perte de puissance hydraulique ;
Considérant que la SPGD n'a pas procédé à cette diligence ; qu'elle ne fournit pas, sur le débit du ruisseau en amont de sa prise d'eau après les prélèvements du SIED et de la COMMUNE DE DOMENE, les éléments qui permettraient d'établir l'insuffisance d'approvisionnement de sa centrale ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, lesquels sont suffisamment motivés, le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant à faire ordonner une expertise et à obtenir une indemnité ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SPGD, au titre des frais exposés en appel et en cassation, le versement de la somme de 5 000 euros à la COMMUNE DE DOMENE, de la somme de 2.500 euros au SIED et de cette même somme à la SAUR ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que les autres parties versent une somme au titre des frais exposés par la SPGD ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 12 juin 2007 est annulé.
Article 2 : Les requêtes d'appel formées par la société des papeteries de la gorge de Domène, ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La société des papeteries de la gorge de Domène versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 5 000 euros à la COMMUNE DE DOMENE, celle de 2 500 euros au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY et celle de 2 500 euros à la SOCIETE SAUR.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DES EAUX DE LA DHUY, à la SOCIETE D'AMENAGEMENT URBAIN ET RURAL, à la COMMUNE DE DOMENE et à la société des papeteries de la gorge de Domène.