Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 27 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 22 juin 2004 du tribunal administratif de Lyon annulant les délibérations de son conseil municipal décidant d'exercer le droit de préemption urbain sur un tènement immobilier à usage artisanal appartenant à Mme A et, d'autre part, au rejet de la demande présentée par la SARL Transcar devant le tribunal administratif de Lyon ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 22 juin 2004 et de rejeter la demande de la SARL Transcar ;
3°) de mettre à la charge de la société Transcar la somme de 5 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques de Peretti, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SARL Transcar,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une première délibération du 15 juin 2001, le conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST a décidé d'exercer son droit de préemption sur une propriété pour laquelle la société Transcar était titulaire d'un bail commercial et s'était également portée acquéreur ; que, par une seconde délibération du 29 juin 2001, le conseil municipal a confirmé cette décision de préemption et précisé le prix de cette acquisition ; que, saisi par la société Transcar d'un recours pour excès de pouvoir contre ces deux délibérations, le tribunal administratif de Lyon les a annulées par un jugement du 22 juin 2004 ; que la cour administrative d'appel de Lyon a, par l'arrêt attaqué du 11 juin 2006, confirmé l'annulation des deux délibérations par des motifs distincts pour chacune d'elles ; que, le pourvoi de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST ne comportant de moyens à l'encontre de cet arrêt qu'en ce qui concerne la délibération du 15 juin 2001, il doit être regardé comme tendant à son annulation seulement en tant qu'il statue sur cette délibération ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que, dès lors, en jugeant illégale la délibération du 15 juin 2001 au motif que la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST ne justifiait pas, à la date de la préemption litigieuse, « d'un projet d'action ou d'opération véritablement précis et ayant fait l'objet d'études suffisamment précises », la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il confirme l'annulation de la délibération du 15 juin 2001 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, dans cette mesure, de régler l'affaire au fond par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération en date du 30 septembre 2004, le conseil municipal de Saint-Jean-de-Niost a autorisé son maire à faire appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 22 juin 2004 ; que, dans ces conditions et alors même que cette habilitation a été délivrée après l'introduction de l'appel, le maire de Saint-Jean-de-Niost avait qualité pour relever appel du jugement ; que, d'autre part, et contrairement à ce que soutient la société Transcar, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon comporte l'exposé de conclusions et moyens d'appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par cette société à l'appel de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST doit être écartée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération en date du 15 juin 2001 indique que l'acquisition de la propriété de Mme A, déjà approuvée à plusieurs reprises par le conseil municipal, a pour objet de « permettre la réalisation d'un centre village qui fait cruellement défaut à la commune » et que le plan d'occupation des sols, en phase finale de révision, « a pris les dispositions nécessaires pour cette réalisation » ; qu'elle fait ainsi apparaître la nature du projet en vue duquel le droit de préemption est exercé et satisfait aux exigences de motivation résultant des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a censuré pour ce motif cette délibération ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Transcar à l'encontre de la délibération du 15 juin 2001 ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu par la société Transcar, le conseil municipal avait été régulièrement convoqué pour la séance du 15 juin 2001 au cours de laquelle la délibération litigieuse a été prise ;
Considérant, en deuxième lieu, que la double circonstance que le prix de vente figurant dans la délibération du 15 juin 2001 diffère de celui mentionné dans celle du 29 juin suivant et que les crédits correspondants n'auraient pas été inscrits au budget de la commune pour l'année en cours est, par elle-même, sans effet sur la légalité de la délibération du 15 juin 2001 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des démarches entreprises antérieurement par la commune, que la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST avait depuis plusieurs années le projet d'aménager le quartier dans lequel est situé le bien objet de la préemption, dans le cadre de la réalisation d'un « centre village » faisant défaut dans la commune ; que si elle n'avait pas, à la date de sa délibération, défini précisément le contenu des aménagements impliqués par ce projet, tant sa détermination à entreprendre cette opération que l'inclusion du bien dans son périmètre étaient certains ; que, contrairement à ce que soutient la société Transcar, la réalisation d'une telle opération, qui correspond à un projet urbain, entre dans le champ d'application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable, aux termes desquelles : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels » ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST ne justifiait pas, à la date de la délibération en litige, de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance de la société Transcar, que la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération en date du 15 juin 2001 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société Transcar tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement à la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2006 et l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 juin 2004 sont annulés en tant, pour le premier, qu'il rejette l'appel de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST relatif à la délibération du 15 juin 2001 et, pour le second, qu'il annule cette délibération.
Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 15 juin 2001 présentées par la société Transcar devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Transcar versera à la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-NIOST et à la SARL Transcar.