Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 19 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jun A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt 14 mars 2006 par lequel le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande du préfet de police de Paris, annulé le jugement du 2 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 juillet 2005 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Delort, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. A,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A, né en 1982, est entré en France cinq ans avant l'intervention de la mesure attaquée, à l'âge de 17 ans et demi, pour rejoindre ses parents qui résident régulièrement sur le territoire français ; que sa soeur cadette, née en 1984, avec laquelle il est arrivé en France en mars 2000, bénéficie d'une carte de séjour temporaire ; qu'il est bien intégré en France où il suit des cours de français notamment au sein d'une association ; qu'ainsi, en estimant, dans ces circonstances particulières, et alors même que sa grand-mère ainsi que ses oncles et tantes vivent en Chine, que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A ne portait pas au droit au respect de la vie privée et familiale de celui-ci une atteinte disproportionnée, le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a entaché sa décision d'une erreur sur la qualification juridique des faits au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, pour les motifs indiqués ci-dessus, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a exactement qualifié les faits de l'espèce au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en retenant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A portait une atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale de ce dernier ; que, dès lors, le premier juge s'est fondé à juste titre sur ce motif pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 juillet 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;
Sur les conclusions aux fins de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :
Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de lui prescrire de se prononcer sur la situation de M. A dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 14 mars 2006 du magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions du préfet de police présentées devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jun A, au préfet de police et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.