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25/07/2007 | FRANCE | N°290421

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, 290421


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 20 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain A et Mme Aïcha A, demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs, Magali et Tony ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 8 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 13 février 2001 du tribunal administratif de Paris condamnant l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une i

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 20 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain A et Mme Aïcha A, demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs, Magali et Tony ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 8 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 13 février 2001 du tribunal administratif de Paris condamnant l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une indemnité totale de 200 000 F en réparation du préjudice résultant pour eux de la mise au monde d'un enfant mort-né, a rejeté leur demande présentée devant le tribunal administratif de Paris et leurs conclusions d'appel incident tendant à la condamnation de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris au versement de diverses indemnités ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à leur verser les indemnités demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A et de Mme A et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, dont la grossesse était suivie à l'hôpital Robert Debré faisant partie de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et dont l'accouchement était prévu pour le 28 avril 1997, a mis au monde le 21 avril une enfant décédée in utero du fait d'un hématome rétroplacentaire ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a écarté toute faute du service public hospitalier ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que, alors même que de nombreuses grossesses antérieures de Mme A n'avaient été suivies que de deux naissances d'enfants vivants et viables, l'absence de caractère pathologique, avant le 21 avril 1997, de la nouvelle grossesse ne permettait pas de prévoir l'accident qui est survenu et ne justifiait donc pas que soit proposée une naissance anticipée de l'enfant, par césarienne ou accouchement provoqué ; qu'elle en a déduit que ni l'absence d'un tel acte médical, ni l'absence d'information donnée à la mère sur les risques qui pouvaient résulter de sa grossesse menée à son terme ne constituaient une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Paris que les très graves difficultés que rencontrait depuis de nombreuses années Mme A pour donner naissance à des enfants vivants et viables s'inscrivaient dans une pathologie vasculaire récidivante qui rendait prévisible, dans son cas particulier, la survenue d'un hématome rétroplacentaire alors même que sa nouvelle grossesse se déroulait dans des conditions satisfaisantes ; qu'il en résulte que la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l'accident qui est survenu n'était pas prévisible ; que M et Mme A sont par suite fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il ressort du dossier médical de Mme A, repris par le rapport d'expertise, ainsi que des déclarations des requérants eux-mêmes devant le Conseil d'Etat qu'en raison des graves antécédents de Mme A, le médecin hospitalier qui la suivait lui avait proposé de pratiquer une césarienne avant le terme de sa grossesse mais que l'intéressée ne l'avait pas souhaité, ayant donné naissance l'année précédente à un enfant prématuré qui était décédé à l'âge de neuf mois ; que Mme A, qui connaissait les graves difficultés qu'elle subissait depuis de nombreuses années pour mener ses grossesses à leur terme, ne pouvait ignorer que la proposition de naissance anticipée qui lui a été faite était destinée à éviter le renouvellement de ces difficultés et ne soutient pas avoir demandé des explications sur les motifs de cette proposition qui lui auraient été refusées ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'hôpital ait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, que ce soit en ce qui concerne les choix effectués dans la prise en charge et le traitement de la grossesse, ou en ce qui concerne l'information due à la patiente ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une insuffisance des informations données à Mme A pour condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à réparer les conséquences dommageables du décès de l'enfant ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du dossier médical de Mme A et du rapport d'expertise que l'intéressée, dès sa prise en charge par l'hôpital Robert Debré, a fait l'objet d'une surveillance médicale étroite ; que l'examen médical auquel l'hôpital a procédé le 17 avril n'ayant révélé aucune anomalie, l'hôpital n'a pas commis de faute en fixant au 21 avril et non à une date plus proche l'examen suivant ; qu'il ressort au surplus du rapport d'expertise que des examens supplémentaires pratiqués entre les dates du 17 et du 21 avril n'auraient pas permis de prévoir la survenue brutale de l'hématome rétroplacentaire dans la nuit du 20 au 21 avril ; que, dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le service public hospitalier aurait commis, dans le suivi de la grossesse de Mme A, des fautes auxquelles seraient imputables le décès de l'enfant ;

Considérant, enfin, que M. et Mme A ne soutiennent plus que des fautes auraient été commises dans la prise en charge et le traitement de Mme A postérieurement à l'accident ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à réparer les conséquences dommageables du décès de l'enfant de M. et Mme A et, d'autre part, que ces derniers ne sont pas fondés à demander, par un appel incident, le rehaussement des indemnités accordées en première instance ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de M. et Mme A en première instance, en appel et devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme A la somme que demande l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre ces frais à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 8 juin 2005 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 13 février 2001 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A devant le tribunal administratif de Paris, leur recours incident présenté devant la cour administrative d'appel de Paris et le surplus des conclusions de leur requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A, à Mme Aïcha A, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 jui. 2007, n° 290421
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 25/07/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 290421
Numéro NOR : CETATEXT000018006835 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-07-25;290421 ?
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