Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 9 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 novembre 2004 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 1998 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des délibérations du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer en date du 3 avril 1995 approuvant respectivement le compte de gestion pour l'année 1994 et le budget primitif de la commune pour 1995 ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 1998 et la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer du 3 avril 1995 adoptant le budget primitif de la commune pour 1995 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. A et de Me Odent, avocat de la commune de Saint-Palais-sur-Mer,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer du 3 avril 1995 approuvant le compte administratif 1994 de la commune en raison du caractère insincère de ce dernier et a réformé, dans cette seule mesure, le jugement n° 952367 du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 décembre 1998 ; que M. A se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté ses autres conclusions d'appel dirigées contre la délibération du même jour approuvant le budget primitif pour 1995 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 2 mars 1982 susvisée alors en vigueur, et aujourd'hui repris aux articles L. 1612-4 à L. 1612-6 du code général des collectivités territoriales : Le budget de la commune est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les dépenses et les recettes ayant été évaluées de façon sincère… / Toutefois, pour l'application du présent article, n'est pas considéré comme étant en déséquilibre, le budget dont la section de fonctionnement comporte ou reprend un excédent et dont la section d'investissement est en équilibre réel, après reprise pour chacune des sections des résultats apparaissant au compte administratif de l'exercice précédent./ Lorsque le budget d'une commune n'est pas voté en équilibre réel, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'Etat dans un délai de trente jours à compter de la transmission prévue à l'article 3, le constate et propose à la commune, dans un délai de trente jours à compter de sa saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire et demande au conseil municipal une nouvelle délibération./ La nouvelle délibération du conseil municipal, rectifiant le budget initial, doit intervenir dans un délai d'un mois à partir de la communication des propositions de la chambre régionale des comptes./ Si le conseil municipal n'a pas délibéré dans le délai prescrit, ou si la délibération prise ne comporte pas de mesures de redressement jugées suffisantes par la chambre régionale des comptes, qui se prononce sur ce point dans un délai de quinze jours à partir de la transmission de la nouvelle délibération, le budget est réglé et rendu exécutoire par le représentant de l'Etat dans le département. Si celui-ci s'écarte des propositions formulées par la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une délibération approuvant un budget en équilibre apparent, mais en déséquilibre réel est illégale ;
Considérant que si l'annulation de la délibération du conseil municipal adoptant le compte administratif pour un exercice budgétaire n'entraîne pas par elle-même l'annulation de la délibération adoptant, au vu de ce compte, le budget primitif de l'exercice suivant, il en va en revanche différemment lorsque l'équilibre réel de ce budget primitif dépend des résultats, entachés d'illégalité, du compte administratif de l'exercice clos qu'il reprend ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération approuvant le budget primitif pour 1995, M. A invoquait la reprise dans ce budget des soldes issus du compte administratif 1994 dont il contestait la sincérité ; qu'en se bornant à juger que l'annulation de l'approbation d'un compte administratif ne saurait avoir pour effet d'entraîner l'annulation de la délibération approuvant le budget primitif de l'exercice suivant, sans rechercher si la correction des soldes d'exécution repris dans ce budget était de nature à en affecter l'équilibre réel , la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le projet de budget primitif pour 1995 soumis à l'approbation du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer reprenait en recettes de la section de fonctionnement un excédent de l'exercice 1994 de 1 355 267,86 F et en recettes de la section d'investissement un excédent de l'exercice précédent de 907 402,24 F, tels qu'ils résultaient du compte administratif approuvé le même jour ; que, pour annuler la délibération d'approbation de ce compte administratif, la cour s'est fondée sur ce que la commune n'avait pas respecté pour l'exercice 1994 le principe d'indépendance des exercices comptables qui impose de rattacher à chaque exercice les charges et les produits qui le concernent, manquement qui a modifié le résultat comptable de cet exercice et affecté la sincérité de son compte administratif ; qu'il en résulte que les soldes d'exécution de la section de fonctionnement et de la section d'investissement ressortant du compte administratif et repris au budget primitif de l'exercice suivant étaient insincères ; que la commune ne produit pas d'éléments établissant qu'après correction de ces soldes, le budget primitif pour 1995 serait resté en équilibre réel ; qu'il suit de là que M. A est fondé à demander l'annulation de cette délibération et la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers, en tant qu'il a refusé d'annuler cette délibération et a mis à sa charge le versement à la commune d'une somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la commune tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer le paiement à M. A d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 novembre 2004 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 1998 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer du 3 avril 1995 approuvant le budget primitif pour 1995 et en tant qu'il a mis à sa charge le versement à la commune de Saint-Palais-sur Mer d'une somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel .
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 1998 est réformé dans cette même mesure et en tant qu'il a mis à la charge de M. A le versement à la commune de Saint-Palais-sur-Mer d'une somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : La délibération du conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer du 3 avril 1995 adoptant le budget primitif pour 1995 est annulée.
Article 4 : La commune de Saint-Palais-sur-Mer versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Palais-sur-Mer tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A et à la commune de Saint-Palais-sur-Mer.
Copie en sera transmise pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.