Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 2 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE, dont le siège est 80, rue Brochier à Marseille 05 (13354), représentée par son président en exercice ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 février 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille l'a condamnée à verser à Mme C, M. André-Philipp B, M. Pierre B, Mme Marguerite B et M. Christian-Yves B, héritiers de Mme Marie-Pierrette B, ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse diverses sommes en réparation du préjudice subi par Mme Marie-Pierette B lors de son hospitalisation à l'hôpital de la Timone ;
2°) statuant au fond, de rejeter les demandes présentées par Mme Marie-Pierrette B et la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,
- les observations de Me Le Prado, avocat de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE et de la SCP Boutet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, appelée en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale en déclaration de jugement commun dans l'instance engagée devant le tribunal administratif de Marseille tendant à la condamnation de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE à réparer les conséquences dommageables ayant résulté pour Mme Marie-Pierrette B de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 5 novembre 1997 à l'hôpital de la Timone, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse a, dans un mémoire enregistré le 25 mai 1999, demandé que l'établissement hospitalier soit condamné à lui verser les sommes déboursées pour le compte de Mme B, sans les chiffrer et en se réservant de produire ultérieurement leur décompte ; qu'elle a produit ce mémoire le 23 octobre 2001 postérieurement à l'audience tenue le même jour ; qu'ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement des frais exposés antérieurement au jugement de ce tribunal rendu le 6 novembre 2001, la caisse n'était plus recevable à le demander devant le juge d'appel ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Marseille en accueillant l'appel incident de la caisse tendant au remboursement desdites sommes a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler son arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : Les dispositions du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre Ier, de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le nouveau régime de responsabilité au titre de la solidarité nationale institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001 ; que l'intervention chirurgicale à laquelle est imputée le dommage subi par Mme B a été pratiquée le 5 novembre 1997 ; que c'est par conséquent à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a jugé que la responsabilité de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE pouvait être recherchée sur le terrain de la responsabilité sans faute à raison des dommages subis par Mme B ;
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient, comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant que la responsabilité du service public est susceptible d'être engagée dans les conditions mentionnées ci-dessus du fait des dommages causés par une anesthésie générale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B a subi le 5 novembre 1997 à l'hôpital de la Timone l'ablation de la vésicule biliaire ; qu'à la suite de cette opération pratiquée sous anesthésie générale qui s'était achevée aux alentours de 16 heures, Mme B a été, après son réveil, reconduite dans sa chambre où elle a été retrouvée en arrêt cardio-respiratoire à 18 heures 30 ; qu'en dépit des soins prodigués pour la réanimer, elle est restée en état de coma végétatif jusqu'à son décès le 29 décembre 2002 ; qu'il résulte du rapport d'expertise que l'accident cardiaque dont a été victime Mme B résulte de l'anesthésie générale nécessitée par son intervention ; que rien ne permettait de penser qu'elle fût particulièrement exposée au risque qui s'est réalisé ; que les autres conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'hôpital, qui ne sont d'ailleurs pas contestées, étant remplies, l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que le dommage pouvait être réparé sur ce fondement ;
Sur le préjudice et sur les conclusions incidentes des consorts B et de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse :
Considérant que Mme B qui avait 56 ans au moment de l'intervention, a été atteinte d'une incapacité permanente de 100 % ; que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif de Marseille a fait une juste appréciation des préjudices de toute nature subis par l'intéressée, au nombre desquels son pretium doloris et son préjudice d'agrément, en les fixant à la somme de 152.449,02 euros (1.000.000 F) ; qu'il n'est pas contesté que les frais d'hospitalisation mis à la charge de Mme B et non remboursés par la sécurité sociale se sont élevés à la somme de 34.781, 01 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse qui n'est pas recevable, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à demander le remboursement des frais exposés pour le compte de Mme B avant le 6 novembre 2001, justifie pour la période allant de cette date au 29 décembre 2002 de débours d'un montant de 71,27 euros ; qu'il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice dont la réparation doit être mise à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE s'élève à la somme de 187.301,30 euros ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse a droit à la somme de 71,27 euros, portant intérêts à compter du 25 mai 1999, à laquelle il y a lieu d'ajouter la somme de 750 euros au titre du septième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que Mme C, M. André Philipp B, M. Pierre B, Mme Marguerite B et M. Christian-Yves B, venant aux droits de Mme Marie-Pierrette B ont par suite droit à la somme de 187.230,03 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par les héritiers de Mme B devant la cour administrative d'appel de Marseille et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE les sommes demandées par la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse au titre des frais qu'elle a exposés devant la cour administrative d'appel de Marseille et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 3 février 2005 est annulé.
Article 2 : La somme que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE a été condamnée à verser à Mme B par le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 6 novembre 2001 est portée de 173.213,18 euros (1.136.024 F) à 187.230,03 euros. Cette somme sera versée à Mme C, M. André-Philippe B, M. Pierre B, Mme Marguerite B et M. Christian-Yves B, héritiers de Mme Marie-Pierrette B, au prorata de leurs droits dans la succession de celle-ci.
Article 3 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse la somme de 71,27 euros et la somme de 750 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La somme de 71,27 euros portera intérêts à compter du 25 mai 1999.
Article 4 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE versera en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1.500 euros aux héritiers de Mme Marie-Pierrette B au prorata de leurs droits dans la succession de celle-ci.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif du 6 novembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE, de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et de Mme C, M. André-Philip B, M. Pierre B, Mme Marguerite B et M. Christian-Yves B est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme Paolina C, M. André-Philip B, M. Pierre B, Mme Marguerite B et M. Christian-Yves B, à l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE MARSEILLE, à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et au ministre de la santé et des solidarités.