Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Nihad A, demeurant chez M. B, ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision de l'ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine du 24 août 2006 refusant de lui délivrer le visa qu'il lui avait demandé pour rejoindre son épouse, de nationalité française, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un visa de long séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que l'urgence résulte de ce qu'il est séparé de son épouse, qu'il connaît depuis quatre ans, et du reste de sa famille qui réside en France ; qu'en Bosnie-Herzégovine il est dénué de ressources et exposé au climat d'hostilité envers les Roms qui règne dans ce pays ; qu'il n'est pas justifié d'une délégation régulière qui aurait été donnée au signataire de la décision attaquée ; que celle-ci repose sur une appréciation erronée du risque pour l'ordre public qui résulterait de sa présence en France ; que le tribunal correctionnel qui a prononcé sa condamnation ne lui a pas infligé la peine d'une interdiction du territoire français ; que les faits ayant entraîné sa condamnation se sont produits en mars 2005, avant son mariage et alors qu'il était dans une situation de grande difficulté, et ont été limités dans leur gravité ; qu'il produit de nombreuses attestations établissant qu'il regrette les infractions commises et désire désormais vivre auprès de sa famille dans le respect des lois ; que la décision attaquée porte encore une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et l'expose à des risques pour sa vie et sa sécurité, en méconnaissance de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus de visa ;
Vu la décision dont la suspension est demandée et le recours formé devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
Vu, enregistré le 23 octobre 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères, tendant au rejet de la requête ; le ministre soutient que les conclusions à fins d'injonction à l'administration de délivrer le visa sollicité sont irrecevables devant le juge des référés ; que la condition d'urgence ne peut être tenue comme remplie dès lors qu'il n'est pas même allégué que l'épouse du requérant et sa famille seraient empêchées de lui rendre visite, que les risques auxquels il serait exposé ne sont pas établis et qu'il n'est pas dans l'impossibilité de travailler dans son pays ; que le moyen tiré de l'illégalité externe de la décision contestée, à laquelle se substituera la décision de la commission de recours, est inopérant ; que le requérant a été condamné à un an d'emprisonnement dont sept mois avec sursis pour trois infractions pour complicité de vol avec effraction et une infraction de recel de vol avec effraction ; que ces faits graves et récents étaient de nature à justifier le refus de visa en raison de risques pour l'ordre public sans méconnaître le droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale ; que les menaces qui pèseraient sur sa sécurité en Bosnie-Herzégovine en raison de ses origines ne sont nullement établies, ainsi que l'ont d'ailleurs constaté par deux fois l'office français de protection des réfugiés et des apatrides et la commission de recours des réfugiés ;
Vu, enregistré le 25 octobre 2006, le mémoire en réplique présenté par M. A tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que l'urgence est encore justifiée par les graves problèmes de santé affectant sa belle-mère et sa belle-soeur ainsi que l'état anxio-dépressif constaté de son épouse ; que ces circonstances et l'activité professionnelle de cette dernière l'empêchent de lui rendre visite en Bosnie-Herzégovine ; que le respect des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique qu'il puisse contester la légalité externe de la décision dont il demande la suspension ; que le ministre des affaires étrangères ne saurait lui opposer la circonstance qu'il n'aurait pas manifesté une volonté de réinsertion dès lors qu'il lui est interdit d'exercer une activité professionnelle en France ; qu'il n'est pas plus fondé à mettre en doute la sincérité de son mariage ;
Vu, enregistré le 20 juin 2006, le nouveau mémoire présenté par le ministre des affaires étrangères tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 octobre 2006 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me GASCHIGNARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- le représentant du ministre des affaires étrangères ;
Considérant que l'article L. 521-1 du code de justice administrative dispose : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;
Considérant, d'une part, que M. A ayant saisi la commission instituée par le décret du 10 novembre 2000 d'un recours contre la décision de l'ambassade de France en Bosnie-Herzégovine du 24 août 2006 refusant de lui délivrer un visa d'entrée en France pour rejoindre son épouse, de nationalité française, la décision de cette commission, qui seule peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, est destinée à se substituer à celle du 24 août 2006 ; que, par suite, l'illégalité externe dont serait entachée de la décision du 24 août 2006 n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus de visa ; qu'une telle analyse ne saurait méconnaître la portée de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui est inapplicable au présent litige ;
Considérant, d'autre part, que M. A a été condamné à un an d'emprisonnement dont sept mois avec sursis pour s'être rendu coupable en France au mois de mars 2005 de trois infractions de complicité de vol avec effraction et une infraction de recel de vol avec effraction ; que l'administration s'est fondée sur ces faits pour estimer que l'autorisation d'entrée en France ne pouvait être accordée au requérant sans créer une menace pour l'ordre public ; que la vulnérabilité de celui-ci au moment des faits, son mariage après qu'il a eu purgé sa peine et le regret qu'il exprime, en même temps que sa volonté de réinsertion, sont insuffisants à démontrer qu'en se fondant sur ces infractions, graves et récentes, pour en déduire un risque pour l'ordre public autorisant une restriction à son droit au respect de sa vie familiale, l'administration aurait commis une erreur d'appréciation ayant un caractère d'évidence justifiant que, sans attendre l'examen de la requête en annulation du refus de visa, le juge des référés en prononce la suspension ; que le moyen tiré des risques auxquels serait exposé le requérant en Bosnie-Herzégovine en raison de son appartenance à la communauté rom, moyen dépourvu de toute précision, n'est pas davantage de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'apprécier l'urgence, la requête de M. A, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Nihad A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Nihad A et au ministre des affaires étrangères.