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26/01/2006 | FRANCE | N°288461

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 26 janvier 2006, 288461


Vu 1°) sous le n° 288461, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société KPMG, dont le siège est ... (92309), agissant poursuites et diligences de son représentant légal ; la société KPMG demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l

'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du cod...

Vu 1°) sous le n° 288461, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société KPMG, dont le siège est ... (92309), agissant poursuites et diligences de son représentant légal ; la société KPMG demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir qu'il est satisfait à la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative dans la mesure où en raison de la généralité des interdictions, des situations à risque et des mesures de sauvegarde qu'il définit, le code annexé au décret attaqué bouleverse les conditions d'exercice de son activité en France comme à l'étranger et aboutit à la réduire de manière considérable ; qu'au delà de sa seule situation, c'est à très court terme le tissu économique national qui est susceptible d'être affecté par la délocalisation de filiales françaises de groupes internationaux d'audit ; que plusieurs moyens sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du code de déontologie ; que son article 30 en prévoyant que le commissaire aux comptes doit, en cours de mission et sans délai, tirer les conséquences de l'une des situations mentionnées aux articles 23, 24, 27, 28 et 29, méconnaît, d'une part, le principe de prohibition de l'entrée en vigueur rétroactive des actes administratifs, d'autre part, la primauté du droit communautaire et le principe de confiance légitime puisqu'il vise à contourner les obligations qui s'imposeront à la France une fois expiré le délai de transposition de la 8ème directive sur le droit des sociétés ; que, par le caractère absolu des interdictions qu'il pose, l'article 10 du code litigieux contrevient non seulement au principe de libre prestation des services garanti par le droit communautaire mais également au principe de proportionnalité ; que l'article 11 du code est entaché d'incompétence négative faute de définir la notion de « réseau » ; que le pouvoir réglementaire ne pouvait s'en remettre au Haut Conseil du commissariat aux comptes (HCCC) pour asseoir la définition de cette notion ; que l'article 12 sur les mesures de sauvegarde est critiquable en raison de l'absence de dispositions transitoires prévues pour son application et contrevient à la règle selon laquelle les situations contractuelles sont exclues du principe de l'application immédiate des réglementations nouvelles ; que l'article 22, relatif à l'appartenance à un réseau, est entaché de l'incompétence négative déjà relevée à propos de l'article 11 ; qu'il méconnaît également le principe de légalité des délits et des peines dès lors qu'en vertu de l'article 88 du décret du 12 août 1969 les manquements au code de déontologie sont passibles de sanctions disciplinaires ; que les articles 23, 24 et 25, qui réglementent la fourniture de prestations de services par un membre du réseau, vont au delà de ce qu'exige la directive 84/253/CEE du 10 avril 1984 pour garantir l'indépendance du commissaire aux comptes ; qu'en outre, l'article 23 excède ce qu'impose le deuxième alinéa du II de l'article L. 822-11 du code de commerce ; que l'article 23 est également entaché d'incompétence négative, faute de contenir des précisions quant aux conditions d'intervention et à la portée de l'avis du HCCC qu'il prévoit ; que l'article 24, en ce qu'il pose une présomption irréfragable d'atteinte à l'indépendance du commissaire aux comptes si l'un des membres du réseau auquel il appartient a fourni ou fournit à la personne ou à l'entité dont les comptes sont contrôlés l'une des prestations qu'il énumère, méconnaît le I de l'article L. 822-11 du code de commerce lequel n'a pas entendu édicter une incompatibilité absolue entre la fourniture de prestations de services et le contrôle des comptes au sein des réseaux ; qu'en particulier, excède les prévisions de la loi, l'interdiction faite aux membres du réseau de fournir des prestations de services en matière de financement ou d'informations financières (article 24 (9°), ou de conseil fiscal (article 24 (10°) ; qu'en tout cas, seules certaines des situations énumérées à l'article 24 sont susceptibles de menacer l'indépendance des commissaires aux comptes ; qu'il y a incompatibilité des dispositions de l'article 24 avec celles de la proposition de 8ème directive, dont le respect est exigé en vertu tant du principe de coopération loyale entre Etats membres que du principe de confiance légitime ; qu'en tout état de cause, l'article 24 contrevient au principe de libre prestation des services garanti par les articles 49 et 50 du traité CE au motif que les interdictions qu'il pose aboutissent à prohiber les activités d'un prestataire affilié au réseau établi dans un autre Etat membre dans lequel il fournit légalement des services analogues tout en faisant obstacle à ce que les commissaires aux comptes français proposent leurs services à des entités établies dans d'autres Etats membres ; que ces restrictions ne sont pas justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général ; qu'en admettant même que le code de déontologie s'inscrive dans cette perspective, les mesures qu'il contient ne sont pas nécessaires au but poursuivi ; que, pour ces mêmes raisons , l'article 24 viole également la liberté professionnelle ainsi que la liberté du commerce et de l'industrie, lesquelles, avec la liberté de concurrence, forment les composantes de la liberté d'entreprendre ; que l'article 24 est encore entaché d'erreur de droit à un double titre, d'une part, en ce que ses dispositions aboutissent à priver les commissaires aux comptes français de la possibilité d'exercer leur métier, d'autre part, en ce qu'elles sont en contradiction avec l'article 25 du code ; que ce dernier article procède d'une erreur de droit en ce que, combiné avec les dispositions de l'article 24 ou avec celles de l'article 10, il apparaît dénué de toute portée ; qu'il est également entaché d'incompétence négative dans la mesure où il se contente d'évoquer l'existence de prestations « susceptibles d'être fournies » par l'ensemble des membres du réseau, sans en préciser le contenu ; que l'article 29 du code en attribuant des effets dans le temps aux mesures d'interdiction posées par les articles 10 et 23 et en prévoyant un délai de viduité de deux années excède les pouvoirs conférés par la loi au Premier ministre ; que l'établissement du délai de viduité porte aussi atteinte à la libre prestation des services ainsi qu'à la liberté de la concurrence ;

Vu 2°) sous le n° 288466, la requête enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société ERNST et YOUNG AUDIT dont le siège est ..., Faubourg de l'Arche, Courbevoie (92400), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, ainsi que pour cent dix-huit associés de cette société ; la société ERNST et YOUNG AUDIT et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent qu'il y a urgence à suspendre le décret contesté en raison des conséquences que son application immédiate pourrait avoir, non seulement sur les entreprises publiques ou privées dont les exposants certifient les comptes mais aussi pour eux-mêmes, qu'il s'agisse de la perte d'exploitation ou du risque disciplinaire, pénal ou social encouru par les associés, pris en tant que personnes physiques ; que plusieurs moyens sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du code annexé au décret ; que l'absence de toute mesure transitoire méconnaît le principe de la non-application immédiate d'un acte administratif aux relations contractuelles en cours ; que l'entrée en vigueur immédiate du texte interdit en principe aux exposants de poursuivre leur mission à l'égard d'une partie significative des entreprises dont ils certifient à ce jour les comptes ; que l'absence de précision suffisante de nombreuses notions employées par le code, s'agissant en particulier de celle de réseau, constitue une incompétence négative de la part du pouvoir réglementaire ; qu'est en outre méconnu le principe de légalité des délits et des peines ; que le décret institue, sans aucun fondement légal, un nouveau cas de responsabilité pénale du fait d'autrui ; qu'en effet, il résulte de la combinaison des articles 30, 23, 24 et 11 du code qu'un commissaire aux comptes est punissable en raison d'une incompatibilité qui naît, non pas de son propre exercice professionnel, mais du fait qu'une prestation interdite a été diligentée en un quelconque lieu par l'une des sociétés du réseau international ; que ces mêmes dispositions inversent la présomption d'innocence en instaurant une présomption irréfragable de culpabilité du commissaire aux comptes ayant exercé sa mission en dépit d'une incompatibilité légale dont il a pu ne pas avoir connaissance ; que, sur de nombreux points, le pouvoir réglementaire a excédé les termes et l'esprit de la loi qu'il prétend appliquer ; qu'ainsi, l'article 24 du code, qui n'instaure pas moins de treize prestations interdites de nature à affecter l'indépendance du commissaire aux comptes, va bien au-delà des exigences du I de l'article L. 822-11 du code de commerce ; qu'en particulier, le code interdit en pratique à de très nombreux associés commissaires aux comptes du réseau ERNST et YOUNG d'emprunter ou de souscrire des produits financiers dans la grande majorité des établissements français ou étrangers disposant d'une filiale en France ; qu'encourt des critiques analogues l'article 29 du code qui, en dehors de toute assise légale, impose un délai transitoire de deux ans avant lequel un commissaire aux compte ne pourra pas postuler à un appel d'offres émis par un de ses clients ; que l'extrême rigueur et la disproportion des limitations à l'exercice en réseau de la profession sont également contraires aux exigences du droit communautaire ; qu'à cet égard, le code de déontologie méconnaît l'effet utile des règles de concurrence applicable aux entreprise en vertu de l'article 81 du traité CE, crée des entraves contraires aux libertés fondamentales d'établissement et de prestation des services et viole les principes de coopération loyale, de confiance légitime et de sécurité juridique ;

Vu 3°) sous le n° 288475, la requête, enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour, d'une part, la société DELOITTE et ASSOCIES, dont le siège est ... (92200), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, d'autre part, la société GRANT B..., dont le siège est ... (75017), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; la société DELOITTE et ASSOCIES et la société GRANT B..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent qu'il y a urgence à suspendre le code annexé au décret en raison de l'incidence des incompatibilités qu'il édicte de façon à la fois trop large et trop imprécise avec effet immédiat ; qu'en effet, les entreprises françaises vont se trouver confrontées à la difficulté de mandater un commissaire aux comptes qui ait l'assurance de ne pas se trouver dans une situation d'incompatibilité ; que la même difficulté se retrouve pour l'ensemble des personnes publiques assujetties à l'obligation de faire certifier leurs comptes ; que les réseaux internationaux vont délaisser le marché français ; que l'annulation du décret ne suffirait pas à supprimer les conséquences graves et immédiates provoquées par son application dans la mesure où les commissaires aux comptes ayant démissionné ne pourront reprendre leurs mandats ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité du décret ; que même si la légalité du code ne saurait s'apprécier au regard de la 8ème directive, qui n'est pas encore entrée en vigueur, elle n'en est pas moins critiquable au regard du seul droit interne ; que l'article 10 du code en tant qu'il définit des mesures d'exercice professionnel empiète sur la compétence dévolue à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes par la loi ; que les articles 10, 12 et 23 à 30 en tant qu'ils s'appliquent immédiatement, méconnaissent le principe suivant lequel les situations contractuelles de droit privé et les situations juridiquement constituées échappent à l'application immédiate de l'acte administratif ; que si la loi a défini des situations interdites qui sont reprises par le code de déontologie, elle ne dispose pas que les règles qu'elle édicte et celles dont elle confie la rédaction au pouvoir réglementaire puissent remettre en cause les contrats de droit privé en cours ; que l'article 23 du code de déontologie ne pouvait légalement conférer au Haut Conseil du commissariat aux comptes (HCCC) une mission distincte de celle prévue par la loi ; que dès lors que la loi autorise la fourniture d'une prestation de service avant et après la mission de commissaire aux comptes, l'article 29 du code ne pouvait légalement déclarer de telles prestations incompatibles avec une mission de commissariat aux comptes lorsque ces prestations ont été effectuées dans les deux années précédant le début de la mission ; que plusieurs dispositions sont illégales du fait de leur imprécision, soit qu'elles méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines, soit qu'elles transgressent l'exigence d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme ; que tel est le cas de l'article 22 du code qui s'abstient de définir la notion de réseau ; qu'il en va de même de l'article 23, qui ne comporte aucune précision quant aux conditions d'intervention et à la portée de l'avis du HCCC qu'il prévoit ; que la définition très large du lien familial donnée par le sixième alinéa du I de l'article 27 est inapplicable lorsque le commissaire aux comptes s'adresse à un expert dans le cas visé au troisième alinéa (b) dudit I ; que le II de l'article 27 est imprécis en ce qu'il se réfère à « des liens personnels étroits » ; que l'article 28 du code relatif aux liens financiers englobe des situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes n'est pas susceptible d'être remise en cause ; qu'en particulier, les c) et d) du I de cet article soulèvent des difficultés pour les commissaires aux comptes certifiant les comptes d'un établissement bancaire ou, plus généralement, d'un prestataire de services d'investissement ;

Vu 4°), sous le n° 288486, la requête enregistrée le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT, dont le siège est ... (92200), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes ;

elle soutient que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est constituée en raison des prescriptions de l'article 30 du code de déontologie qui conduisent à la remise en cause d'activités en cours résultant d'engagements souscrits dans le cadre de contrats ; que l'interdiction, en vertu de l'article 29, qui est faite à un membre de la société exposante de postuler à des missions de commissariat aux comptes pour des sociétés qui, dans les deux années passées, auraient bénéficié de prestations de conseils de la part du réseau, aboutit à interdire à ses membres d'être candidats aux commissariats aux comptes qui seront renouvelés en 2006 et 2007 pour un tiers des sociétés du CAC 40 ; que l'application de l'article 24 représente pour l'exposante la perte immédiate d'un chiffre d'affaires s'élevant à 70 millions d'euros, soit 20 p 100 de son chiffre d'affaires total, ce qui se traduira par la disparition du travail de 32 associés sur 107 et de 370 collaborateurs sur 1 300 ; que, plus généralement, l'article 30 du code implique un bouleversement de la sécurité juridique de sociétés privées et d'intérêts publics, dont la situation va être déstabilisée par l'incapacité d'obtenir la certification de leurs comptes dans les délais légaux, faute de commissaires aux comptes susceptibles de remplir cette mission ; que plusieurs moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du code de déontologie ; que l'article 22 est entaché d'incompétence négative faute de définir ce qu'est « un réseau dont les membres ont un intérêt économique commun » ; que seuls entrent dans le champ des prévisions de la loi les réseaux intégrés au sens où l'a entendu la Cour de Justice dans son arrêt Wouters du 19 février 2002 ; qu'en s'abstenant de consacrer cette conception, l'article 22 dénature la loi ; que l'absence de définition de l'intérêt économique commun qui lie les membres du réseau aboutit à une méconnaissance de l'exigence de la légalité des délits et des peines ; que cette violation n'est pas atténuée par l'obligation faite aux commissaire aux comptes de saisir le Haut Conseil du commissariat aux comptes (HCCC) alors qu'aucune compétence sur ce point ne lui est reconnue par le législateur ; que l'article 10 du code est entaché d'incompétence en ce qu'il édicte des normes d'exercice professionnel relevant en vertu de la loi de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ; qu'en outre, certaines des interdictions et en particulier celles du 2° de l'article 10 sont manifestement disproportionnées au regard de l'objectif d'indépendance poursuivi ; que l'article 12 du code en ce qu'il prévoit la saisine pour avis du HCCC confère à cette instance, de nouvelles compétences sans habilitation légale ; qu'en admettant même qu'une telle procédure relève du code, elle s'avère imprécise et partant impraticable ; que l'article 22 est entaché non seulement d'incompétence négative ainsi qu'il a été souligné, mais également d'une violation de la loi en ce qu'il étend à l'ensemble des réseaux, même ceux dont les membres n'ont pas d'intérêt économique commun, une réglementation restrictive au-delà de l'habilitation législative ; qu'il en va ainsi des présomptions d'appartenance découlant des alinéas d) f) et e) de cet article ; que l'article 23 encourt les mêmes critiques que l'article 12 à propos du rôle dévolu au HCCC ; qu'en outre, il outrepasse l'habilitation législative en ce qu'il réglemente les prestations d'autres professionnels que les commissaires aux comptes ; que l'article 24 encourt une critique identique ; que de plus, alors que le législateur habilitait le pouvoir réglementaire à définir des situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes pourrait être considérée comme altérée, il énumère des prestations qui seraient, de manière irréfragable, attentatoires à son indépendance ; que l'article 24 est inapplicable, en particulier dans le cas de filiales de sociétés étrangères implantées en France ; que le pouvoir réglementaire français ne peut imposer des obligations au delà des frontières ; que cet article porte une atteinte manifestement excessive à la liberté d'entreprendre ; que l'article 30, ainsi qu'il a été souligné, porte atteinte aux contrats en cours, faute pour le décret de comporter des mesures transitoires ; que d'autres dispositions du code sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'ainsi, l'exigence d'une apparence d'indépendance posée par l'article 5 pour les commissaires aux comptes ne résulte pas de la loi et est manifestement excessive au regard des missions dont ils sont investis ; que la prohibition des liens personnels et des liens financiers découlant des articles 27 et 28 est manifestement excessive dès lors que nombre de situations sont insusceptibles de nuire à l'indépendance du commissaire aux comptes ; qu'en particulier, le fait d'étendre les incompatibilités personnelles à l'ensemble des associés d'une structure d'exercice est manifestement sans rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'en matière de liens financiers, sont excessives les prohibitions fixées par le I de l'article 28, en ce qu'elles visent les banques ou les compagnies d'assurance ; que le III de l'article 29 emporte des restrictions à l'exercice professionnel manifestement excessives au regard tant de la liberté d'entreprendre que des exigences du droit communautaire relatives à la libre prestation des services, à la liberté d'installation et à la libre concurrence ; que le juge des référés peut sanctionner l'inconventionnalité du décret dès lors que la jurisprudence de la Cour de justice a très clairement fixé les limites des restrictions possibles à ces libertés ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu, enregistrées le 18 janvier 2006, les observations par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de l'ensemble des requêtes ; il fait valoir à titre principal, que la condition d'urgence n'est nullement caractérisée ; que tout d'abord, les conditions dans lesquelles les requêtes ont été introduites démontrent l'absence d'urgence dans la mesure où les requérantes ont saisi le juge des référés plus d'un mois après la publication du décret alors que le projet dont il est issu avait été communiqué à la profession dès mars 2005 ; que les préjudices invoqués ne sont pas établis ; que si la société PRICEWATERHOUSECOOPERS fournit une évaluation chiffrée de ses pertes elle ne produit aucun document permettant de la corroborer ; qu'en admettant même qu'une démission ou un refus d'appel d'offre se fût imposé, une telle situation résulterait non du code mais des interdictions posées par la loi ; que l'application des dispositions querellées pourrait conduire tout au plus à une redistribution de certaines missions ; que selon les évaluations de l'Autorité des marchés financiers (AMF) le marché du contrôle légal des comptes est florissant en conséquence notamment de la séparation des activités d'audit et de conseil, et ceci bien avant l'entrée en vigueur du code, sous l'influence en particulier de la loi américaine du 30 juillet 2002 ; que le risque de sanctions pénales ou disciplinaires ne saurait caractériser l'existence d'un préjudice au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, s'agissant des incidences du code de déontologie sur les entités contrôlées, les requérantes peinent à produire un exemple nominatif de société, privée de commissaire aux comptes ; que de toute façon, les requérantes ne peuvent se prévaloir d'une atteinte à l'intérêt des sociétés françaises qu'elles n'ont pas qualité pour représenter ; que si dans les faits la plupart des grandes entreprises utilisent l'un des quatre grands réseaux, il existe en dehors de ces derniers de nombreuses sociétés de commissaires aux comptes à même d'exercer des missions de certification ; que pour les personnes publiques, les requêtes ne rapportent la preuve concrète d'aucune situation de blocage ; que le gardien des intérêts des personnes de droit public est le gouvernement et non les requérantes ; que loin de porter atteinte à leur situation ou aux intérêts qu'elles entendent défendre, non plus qu'à aucun intérêt public, le code de déontologie va au contraire dans le sens de l'intérêt général en renforçant la sécurité financière ; que si plusieurs sociétés dénoncent au titre de l'urgence l'application immédiate du dispositif et l'absence de mesures transitoires cette argumentation est sans valeur, d'abord, parce qu'il n'est pas établi que cette situation soit préjudiciable aux intéressées ; qu'en outre l'absence de mesures transitoires ne saurait constituer une atteinte au principe de confiance légitime dès lors que le code de déontologie n'est en rien contraire aux dispositions de la huitième directive sur le contrôle légal des comptes ; qu'en pratique, l'existence de mesures transitoires ne ferait tout au plus que différer les conséquences des règles contestées, sans en modifier la teneur ; que le fait de différer davantage encore l'entrée en vigueur du code de déontologie aurait conduit à méconnaître l'obligation incombant au gouvernement d'assurer l'application de la loi dans un délai raisonnable ; qu'en tout état de cause, les requérantes ne sauraient soutenir avoir été prises au dépourvu dès lors que la plupart des règles qu'elles dénoncent étaient consacrées dans le code arrêté en 1998 par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ; qu'à titre subsidiaire, aucun des moyens invoqués n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du texte ; que le gouvernement était habilité à arrêter la liste des prestations interdites qui n'ont pas de lien avec la mission de certification sans empiéter sur la compétence dévolue à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes dans l'élaboration des normes d'exercice professionnel lesquelles se rapportent soit aux diligences professionnelles soit aux diligences directement liées à la mission de certification ; que la liste de l'article 10 ne saurait davantage être considérée comme portant atteinte à l'interdiction formulée par le premier alinéa du II de l'article L. 822-11 du code de commerce dès lors qu'elle n'a qu'une valeur illustrative ; que la base légale première du code de déontologie doit être recherchée dans l'article L. 822-16 du code de commerce et son champ d'application ne saurait être cantonné à la seule mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 822-11 ; que l'entrée en vigueur immédiate du code de déontologie ne caractérise pas une atteinte prohibée à des contrats en cours au motif que la relation entre le commissaire aux comptes et l'entité qu'il contrôle n'est pas de nature contractuelle mais statutaire ; qu'au surplus, les dispositions contestées par les requérantes ne sont que l'application des principes énoncés par la loi de sécurité financière du 1er août 2003, qui est d'ordre public ; que, l'argumentation développée par les requérantes, si elle était retenue, entraînerait une rupture d'égalité entre professionnels ; qu'en admettant même que soit admis le caractère contractuel de l'intervention du commissaire aux comptes, la non-application du code aux situations de contrôle en cours jouerait automatiquement sans avoir à être précisée par le texte ; que, s'agissant des mandats en cours, si l'application immédiate du texte conduit effectivement le commissaire aux comptes à s'interroger sur l'existence d'incompatibilités et d'atteintes à son indépendance et à en tirer les conséquences, cette situation ne caractérise pas pour autant une rétroactivité de la règle, puisque les actes déjà accomplis ne sont pas remis en cause ; que l'article 30 du code ne mentionne que la survenance « en cours de mission » d'une situation et ne peut dès lors servir de fondement pour sanctionner des liens professionnels antérieurs à la mission ; que les moyens mettant en cause l'imprécision de certaines dispositions manquent en fait ; qu'il n'appartenait pas au pouvoir réglementaire de modifier ou préciser la définition du réseau donnée par la loi ou de définir ce qu'est un intérêt économique commun, sauf à commettre un excès de pouvoir ; que le pouvoir réglementaire a rempli son rôle en précisant à l'article 24 du code les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée ; qu'il n'y a pas d'atteinte au principe de légalité des délits et des peines ; qu'en admettant même que le Conseil d'Etat accepte de fonder l'annulation d'un décret sur la méconnaissance de l'objectif constitutionnel d'intelligibilité du droit, l'interprétation qui est faite de la portée de cet objectif est en l'espèce erronée ; qu'il ne saurait être fait grief au code de dénaturer la notion de réseau dès lors que l'article 22 se borne sur ce point à mentionner des « indices » ; que le grief tiré de l'imprécision de la norme n'est pas davantage fondé à l'encontre de l'article 10, qui n'a qu'un caractère indicatif ; que la portée du 11°) de cet article ne saurait échapper à des commissaires aux comptes assujettis par ailleurs à une obligation de compétence professionnelle ; que le renvoi fait par les articles 12, 22 et 23 à l'intervention du Haut Conseil du commissariat aux comptes (HCCC) pouvait ne pas être assorti de précisions complémentaires dès lors qu'il n'entre pas dans l'objet d'un code de déontologie d'être un code de procédure ; que l'article 24 précise clairement les prestations qu'il vise ; que les articles 27 et 28 ne peuvent davantage être considérés comme imprécis ; qu'en particulier, la notion de « liens personnels étroits » est indispensable afin d'appréhender des situations de grande proximité qui, bien que non consacrées par un lien juridique, n'en constituent pas moins des menaces pour l'indépendance du commissaire aux comptes ; que le code ne crée pas une responsabilité pénale du fait d'autrui et ne méconnaît pas la présomption d'innocence dans la mesure où les infractions pour être sanctionnées doivent avoir un caractère intentionnel et être personnelles au commissaires aux comptes ; que doivent également être écartés les moyens tirés d'erreurs manifestes d'appréciation et d'erreurs de droit résultant d'une méconnaissance des limites de l'habilitation législative ; que l'exigence d'apparence d'indépendance à laquelle se réfère l'article 5 est communément admise au plan international et se trouve parfaitement justifiée et proportionnée ; que les dispositions de l'article 10 ne sont que le rappel dans le code de déontologie du principe de non-immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion de l'entité qu'il contrôle ainsi que du principe de séparation des fonctions d'audit et de conseil, postulés par la loi ; que la mission confiée par l'article 12 au HCCC est en harmonie avec les dispositions de l'article L. 821-1 du code de commerce qui le chargent de « veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes » ; que la même observation vaut pour le rôle conféré à cet organisme par l'article 23 du code ; que ledit article ne fait qu'assurer l'application du deuxième alinéa du II de l'article L. 822-11 du code de commerce ; que l'article 24 ne formule pas une interdiction absolue et donne une liste limitative ; que la fourniture de « prestations » au sens de cet article caractérise bien des « situations » mentionnées par l'article L. 822-11 ; que les incompatibilités retenues par les 9° et 10° de l'article 24 sont, contrairement à ce que soutient la société KPMG, parfaitement justifiées ; que les obligations nées de l'incompatibilité résultant de l'une des situations décrites, qui découlent de la loi, s'imposent au seul commissaire aux comptes français sans être opposables aux membres du réseau ; qu'elles n'ont donc pas d'effet au delà de nos frontières ; que le code de déontologie ne pouvait faire de différence de traitement en excluant les filiales étrangères du dispositif de l'article 24, sauf à méconnaître l'article L. 822-11 ; que, pour mettre en oeuvre l'obligation d'information posée par l'article L. 820-3 du code de commerce, le commissaire aux comptes doit être à même de connaître la nature et le prix des prestations fournies par les membres de son réseau ; que l'article 25 du code qui répond à cet objectif n'est ni incompatible avec l'article 24 ni inapplicable en pratique ; que la logique de préservation de l'indépendance des commissaires aux comptes justifie les dispositions des articles 27 et 28 relatifs aux liens personnels et financiers ; que l'article 29 trouve son fondement dans les dispositions du deuxième alinéa du I de l'article L. 822-11 qui habilitent le code de déontologie à définir les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou « antérieurs à la mission du commissaire aux comptes » incompatibles avec l'exercice de celle-ci ; que l'ensemble des moyens tirés de la violation du droit communautaire doit tout autant être écarté ; que les moyens reposant sur la contrariété du dispositif avec les objectifs de la huitième directive révisée sont inopérants, faute pour ce texte d'être déjà entré en vigueur ; qu'en tout état de cause, la directive n'entend procéder qu'à une harmonisation minimale ; que ce dernier raisonnement vaut pour la huitième directive dans sa version actuelle, comme le montre le texte de son article 27 ; que les stipulations des articles 10 et 81 du traité CE dont la violation est invoquée ont vocation à s'appliquer aux entreprises ou associations d'entreprises ; que si la Cour de justice en a inféré que les Etats membres ne doivent pas prendre ou laisser subsister des mesures susceptibles de limiter l'effet utile des règles de concurrence, le code de déontologie ne contrarie pas une telle interprétation dans la mesure où ses dispositions répondent à des raisons d'intérêt général ; que des considérations du même ordre conduisent à écarter pareillement les moyens tirés de la violation par les articles 10 et 24 du code des articles 43, 49 et 50 du traité CE relatifs à la libre prestation des services et à la liberté d'établissement ;

Vu, enregistré le 20 janvier 2006, le mémoire en réplique présenté pour la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et qui souligne plus spécialement qu'elle est en mesure d'établir les conséquences immédiates de la mise en oeuvre du décret sur son activité, du fait notamment de l'abandon de candidatures à des appels d'offre pour le renouvellement du commissariat aux comptes de plusieurs sociétés ;

Vu, enregistré le 20 janvier 2006, le mémoire en réplique présenté pour la société ERNST et YOUNG AUDIT et l'ensemble de ses associés commissaires aux comptes, qui tend aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens, en mettant en particulier l'accent sur le fait que l'urgence à suspendre le décret contesté résulte non seulement de ce que la société exposante n'est plus en mesure de répondre à certains appels d'offre mais également des difficultés rencontrées par les entités contrôlées ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la directive 84/253/CEE du Conseil, du 10 avril 1984 relative à l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 822-11 et L. 822-16 ;

Vu le code pénal, notamment son article 111-5 ;

Vu le décret n° 69-810 du 12 août 1969 relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes, modifié notamment par le décret n° 2005-599 du 29 mai 2005 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les sociétés requérantes et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 23 janvier 2006 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Maître X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la société KPMG ;

- Maître A..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société ERNST et YOUNG AUDIT et cent dix-huit associés de cette société ;

- Maître Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la société DELOITTE et ASSOCIES et la société RANT THORNTON ;

- Maître Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

- les représentants des sociétés ERNST et YOUNGAUDIT, DELOITTE et ASSOCIES et PRICEWATERHOUSE COOPERS-AUDIT ;

Vu, enregistrée le 24 janvier 2006 la note en délibéré présentée pour la société DELOITTE et ASSOCIES et la société GRANT B... ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société KPMG, de la société ERNST et YOUNG AUDIT et de ses associés commissaires aux comptes, des sociétés DELOITTE et ASSOCIES et GRANT B... et de la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT tendent à la suspension d'un même acte administratif ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même ordonnance ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, après avoir introduit par son article 102, au sein du code de commerce, une section 2 du chapitre II du titre II du livre VIII de ce code intitulée « De la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes », en a défini le contenu par son article 104, en y faisant figurer les articles L. 822-9 à L. 822-16 du code précité ; qu'au nombre de ces dispositions, telles qu'elles ont été complétées par le V de l'article 162 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 instituant une dérogation à l'obligation de secret professionnel et par les articles 13 à 17 de l'ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005 précisant que les commissaires aux comptes exercent leur activité non seulement auprès de personnes mais aussi d'entités, sont comprises celles des articles L. 822-11 et L. 822-16 ;

Considérant que l'article L. 822-11 comporte deux paragraphes ; que le premier alinéa du I de cet article énonce que le commissaire aux comptes ne peut prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt auprès de la personne ou de l'entité dont il est chargé de certifier les comptes, ou auprès d'une personne qui la contrôle ou qui est contrôlée par elle, la notion de contrôle étant définie par référence à certaines dispositions de l'article L. 233-3 du code de commerce ; que le second alinéa du I dispose notamment que le code de déontologie de la profession définit les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou antérieurs à la mission du commissaire aux comptes, incompatibles avec l'exercice de celle-ci. Il précise en particulier les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée, lorsqu'il appartient à un réseau pluridisciplinaire, national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun, par la fourniture de prestations de services à une personne ou à une entité contrôlée ou qui contrôle… la personne ou l'entité dont les comptes sont certifiés par ledit commissaire aux comptes » ; que, toujours selon le second alinéa du I de l'article L. 822-11, il revient au code de déontologie de préciser « les restrictions à apporter à la détention d'intérêts financiers par les salariés et collaborateurs du commissaire aux comptes dans les sociétés dont les comptes sont certifiés par lui » ; que le II de l'article L. 822-11 vise à assurer une séparation des fonctions d'audit et de conseil ; qu'à cette fin le second alinéa du II interdit à un commissaire aux comptes affilié à « un réseau national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun et qui n'a pas pour activité exclusive le contrôle légal des comptes » de certifier les comptes d'une personne ou d'une entité qui, en vertu d'un contrat conclu avec ce réseau ou un membre de ce réseau, bénéficie d'une prestation de services, qui n'est pas directement liée à la mission du commissaire aux comptes « selon l'appréciation faite par le Haut Conseil du commissariat aux comptes » ;

Considérant que l'article L. 822-16 du code de commerce a prévu qu'un décret en Conseil d'Etat approuve « un code de déontologie de la profession » ;

Considérant que, sur le fondement des dispositions tant de l'article L. 822-11 que de l'article L. 822-16, le décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005 a, par son article 1er, approuvé le code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes qui figure en annexe à ce décret ; que ledit code rappelle dans son titre Ier des « principes fondamentaux de comportement » ; que le titre II comporte, outre l'énoncé des interdictions faisant l'objet de l'énumération de l'article 10, l'identification de situations à risques appelant pour le professionnel le recours à des mesures de sauvegarde ; que le titre III est relatif à l'acceptation, à la conduite et au maintien de la mission ; que le titre IV concerne l'exercice en réseau ; que l'article 22 énumère les indices d'une appartenance à un réseau ; que les article 23 et 24 traitent de l'incidence de l'appartenance au réseau sur la situation du commissaire aux comptes en distinguant le cas, visé à l'article 23, de la fourniture de prestations de service par un membre du réseau à la personne dont les comptes sont certifiés, de celui, régi par l'article 24, de la fourniture de prestations de service par un membre du réseau à une personne contrôlée ou qui contrôle la personne dont les comptes sont certifiés ; que le titre V a pour objet de préciser, respectivement par les articles 27, 28 et 29, les liens personnels, financiers et professionnels incompatibles avec l'exercice par un commissaire aux comptes de sa mission ; que l'article 29 opère une distinction au sein des liens professionnels selon qu'ils sont concomitants à la mission ou antérieurs à celle-ci ; qu'à cet égard, le III de l'article 29 interdit dans son premier alinéa au commissaire aux comptes d'accepter une mission de certification lorsque lui-même ou la société à laquelle il appartient a établi ou fourni « dans les deux ans qui précèdent » des évaluations comptables financières ou prévisionnelles ou, dans le même délai, a élaboré des montages financiers sur les effets desquels il serait amené à porter une appréciation dans le cadre de sa mission ; que le second alinéa du III édicte une interdiction analogue au titre d'un exercice en réseau ; que, selon l'article 30, la survenance en cours de mission de l'une des situations mentionnées aux articles 23, 24, 27, 28 et 29, conduit le commissaire aux comptes à en tirer « sans délai » les conséquences ; qu'enfin, dans ses titres VI et VII le code de déontologie fixe les règles applicables respectivement en matière d'honoraires et de publicité ;

Considérant qu'après avoir introduit des requêtes en annulation mettant en cause la légalité de plusieurs dispositions du code et plus particulièrement les interdictions fixées par son article 10 et les prescriptions des titres IV et V en ce qu'elles touchent l'exercice en réseau, les auteurs des requêtes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'en ordonner la suspension en en critiquant notamment, soit l'imprécision, soit la rigueur excessive et en dénonçant le fait que les nouvelles dispositions s'appliquent immédiatement à des situations juridiques régies par des contrats en cours d'effet, en méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut prononcer la suspension d'une décision administrative à la condition notamment que l'urgence le justifie ; que cette condition doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du ou des requérants ou aux intérêts qu'ils entendent défendre ; qu'il incombe au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le ou les requérants, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant qu'il convient de relever à titre liminaire, que s'il appartient au juge des référés, pour l'appréciation de la condition d'urgence, de rapprocher d'une part les motifs invoqués par les requérants pour soutenir qu'il est satisfait à cette condition et, d'autre part, la diligence avec laquelle ils ont, par ailleurs, présenté des conclusions d'annulation, il ne saurait être déduit de la circonstance relevée par le garde des sceaux, ministre de la justice, selon laquelle les requêtes en annulation et aux fins de suspension ont été introduites un peu plus d'un mois après la publication du décret contesté un quelconque défaut de diligence de la part des requérants et ceci alors même que le projet dont est issu le décret a été portée à la connaissance de la profession dès mars 2005 ;

Considérant que la circonstance invoquée par la société ERNST et YOUNG AUDIT selon laquelle la mise en oeuvre des dispositions du code de déontologie rendrait les professionnels passibles de sanctions pénales ou de sanctions disciplinaires ne saurait à elle seule être constitutive d'une situation d'urgence dès lors notamment que la contestation par la voie de l'exception de la légalité du décret est ouverte à tout moment aux intéressés, devant les juridictions pénales sur le fondement de l'article 111-5 du code pénal et, devant les juridictions compétentes en matière disciplinaire, lesquelles relèvent de l'ordre administratif, au titre de l'exception d'illégalité des règlements ;

Considérant que sont invoquées spécialement par la société ERNST et YOUNG AUDIT et ses associés commissaires aux comptes ainsi que par la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT les difficultés qu'engendre pour l'exercice de leur activité, l'interdiction qui est faite aux professionnels qu'elles emploient de postuler à des missions de commissariat aux comptes pour des personnes ou entités qui, dans les deux années précédentes, auraient bénéficié de prestations de conseil de la part du réseau ; que tous les requérants font valoir que, du fait de l'application du code, les sociétés contrôlées françaises vont se trouver confrontées à la difficulté de mandater un commissaire aux comptes qui ait l'assurance de ne pas se trouver dans une situation d'incompatibilité ; qu'il est souligné également que les règles applicables aux réseaux sont susceptibles de conduire à une délocalisation de filiales françaises de groupes internationaux d'audit ;

Considérant toutefois, qu'il résulte de l'instruction que les effets entraînés par l'application des dispositions contestées du code de déontologie se situent dans un contexte général caractérisé par un recentrage d'ores et déjà engagé de l'activité des sociétés spécialisées vers les fonctions de contrôle légal des comptes et non plus de conseil ainsi que par un accroissement sensible de la masse des honoraires liés à l'activité de contrôle légal ; que si, comme l'audience de référé l'a mis en évidence, l'application de titres IV et V du code affecte l'activité des sociétés requérantes, les conséquences qui en résultent ne sont pas, en l'état, d'une gravité telle que puisse être regardée comme remplie la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, alors surtout que les requêtes en annulation dont est saisi le Conseil d'Etat sont susceptibles d'être examinées par une formation de jugement collégiale dans un délai qui ne devrait pas excéder trois mois ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées ne satisfont pas à la condition d'urgence ; qu'ainsi et sans qu'il y ait lieu pour le juge des référés de prendre position sur le sérieux des moyens invoqués, les conclusions aux fins de suspension ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le paiement des sommes réclamées par les sociétés requérantes ayant conclu en ce sens, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de la société KPMG, de la société ERNST et YOUNG AUDIT et de ses associés commissaires aux comptes, des sociétés DELOITTE et ASSOCIES et GRANT B... et de la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société KPMG, à la société ERNST et YOUNG AUDIT et à ses associés commissaires aux comptes, aux sociétés DELOITTE et ASSOCIES et GRANT B..., à la société PRICEWATERHOUSECOOPERS AUDIT et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au Premier Ministre.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 288461
Date de la décision : 26/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-03-02 PROCÉDURE. - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE. - URGENCE. - ABSENCE - DÉCRET APPROUVANT LE CODE DE DÉONTOLOGIE DE LA PROFESSION DE COMMISSAIRES AUX COMPTES.

54-035-02-03-02 Demande de suspension du décret du 16 novembre 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes, qui durcit les conditions de compatibilité des activités de conseil et de contrôle légal des comptes. Les effets entraînés par l'application des dispositions contestées du code de déontologie se situent dans un contexte général caractérisé par un recentrage d'ores et déjà engagé de l'activité des sociétés spécialisées vers les fonctions de contrôle légal des comptes et non plus de conseil ainsi que par un accroissement sensible de la masse des honoraires liés à l'activité de contrôle légal. Dès lors, si l'application de titres IV et V du code affecte l'activité des sociétés requérantes, les conséquences qui en résultent ne sont pas, en l'état, d'une gravité telle que puisse être regardée comme remplie la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, alors surtout que les requêtes en annulation dont est saisi le Conseil d'Etat sont susceptibles d'être examinées par une formation de jugement collégiale dans un délai qui ne devrait pas excéder trois mois.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2006, n° 288461
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SPINOSI ; SCP DEFRENOIS, LEVIS ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:288461.20060126
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