Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Demba A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2004 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le Mali comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Anne-Françoise Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 mai 2004, de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 24 mai 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…), et qu'aux termes des dispositions de l'article 12 quater, la commission du titre de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ;
Considérant que si M. A soutient qu'il réside depuis août 1990 en France, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations sont insuffisantes, notamment pour les années 1994 à 1998, pour établir sa présence habituelle sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si M. A soutient que, résidant en France depuis 1990, il a noué sur le territoire national des liens personnels et amicaux intenses, il reconnaît néanmoins que sa femme et leurs cinq enfants ne résident pas en France mais vivent, selon ses assertions, au Sénégal ; qu'ainsi qu'il a été dit, il n'établit pas l'ancienneté et la continuité de son séjour ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour de M. A en France, et eu égard aux effets d'une décision de refus de titre de séjour, la décision du préfet de la Haute-Savoie du 24 mai 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A, n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 3° ou du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;
Sur les autres moyens :
Considérant que, pour les raisons exposées ci-dessus, et compte tenu de l'absence de changement dans la situation familiale de l'intéressé, l'arrêté de reconduite à la frontière du 15 octobre 2004 n'a méconnu ni les dispositions des 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Considérant que la compétence de la commission du titre de séjour mentionnée par les dispositions de l'article 12 quater précité ne s'étend pas aux décisions de reconduite à la frontière ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient M. A, le préfet de la Haute ;Savoie n'était pas tenu de recueillir l'avis de cette commission avant de décider sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France : L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou la commission de recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible (…) ;
Considérant que M. A, qui est de nationalité malienne, ne démontrant pas être légalement admissible au Sénégal, où résident son épouse ainsi que ses enfants, la décision distincte fixant le Mali comme pays de destination de la reconduite ne méconnaît pas, en tout état de cause, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Demba A, au préfet de la Haute-Savoie et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.