Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre 2004 et 3 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Patrice A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat l'annulation de l'évaluation de son activité professionnelle pour les années 2002-2003 établie le 14 avril 2004 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Bonnot, Rapporteur,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention du syndicat de la magistrature :
Considérant que le syndicat de la magistrature a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 12-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : « L'activité professionnelle de chaque magistrat fait l'objet d'une évaluation tous les deux ans » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 12-2 de la même ordonnance : « Le dossier du magistrat doit comporter toutes les pièces intéressant sa situation administrative (...). Il ne peut y être fait état ni de ses opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques, ni d'éléments relevant strictement de sa vie privée. » ; qu'enfin, l'article 18 du décret du 7 janvier 1993 précise : « pour l'application de l'article 12-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, les documents concernant l'évaluation de l'activité professionnelle du magistrat sont versés dans son dossier » ;
Considérant que l'évaluation de l'activité professionnelle de M. A, président de chambre à la cour d'appel de Bordeaux, établie pour les années 2002-2003 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, après avoir qualifié l'intéressé de « magistrat de très grande valeur » mentionne qu'il est « l'exemple du magistrat engagé qui ne peut susciter néanmoins l'adhésion unanime dans la mesure où ses convictions personnelles ne sont pas partagées par tous » ; qu'alors même que la nature de ces convictions n'est pas précisée, une telle mention sur un document qui doit être versé au dossier de l'intéressé, et qui est sans rapport avec la manière de servir de l'intéressé, méconnaît les dispositions de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dont l'objet est d'interdire que l'appréciation portée sur un magistrat puisse être influencée par la prise en considération, indépendamment de la manière de servir, d'opinions de la nature de celles qu'énonce cet article ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'évaluation de ses activités professionnelles pour les années 2002-2003 ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention du syndicat de la magistrature est admise.
Article 2 : L'évaluation de l'activité professionnelle de M. A établie pour les années 2002-2003 est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Patrice A, au syndicat de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.