Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril et 6 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 5 avril 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 31 mars 2004 par laquelle le directeur des ressources humaines de la Banque de France a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une pension de retraite à jouissance immédiate à compter du 5 juillet 2005 ;
2°) de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 93-480 du 4 août 1993 modifiée ;
Vu le décret n° 68-300 du 29 mars 1968 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X et de la SCP Laugier, Caston, avocat de la Banque de France,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, agent de la Banque de France, demande l'annulation de l'ordonnance en date du 5 avril 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, faisant application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sans instruction sa requête tendant à la suspension de la décision du 31 mars 2004 du directeur des ressources humaines de la Banque de France rejetant sa demande tendant à l'attribution d'une pension de retraite à jouissance immédiate à compter du 5 juillet 2005 ; que, pour ce faire, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur la circonstance que M. X ne remplissait pas, pour bénéficier de la jouissance immédiate de sa pension, la condition d'interruption d'activité posée par le 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004 ;
Considérant que si la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, elle n'a pas le caractère d'un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ; que le code des pensions civiles et militaires de retraite, qui, en vertu des dispositions de son article L. 2, bénéficie seulement aux fonctionnaires civils de l'Etat, aux magistrats de l'ordre judiciaire, aux militaires ou à leurs ayants droits, n'est pas applicable aux agents de la Banque de France ; que le régime de retraite applicable à ces agents est fixé, en vertu des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale, par le décret du 29 mars 1968 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, en faisant application en l'espèce des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. X est fondé, pour ce motif, à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension par le juge des référés de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée, notamment, à la condition que l'urgence le justifie ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;
Considérant que, pour justifier de l'urgence que présenterait la suspension de la décision du 3 mars 2004 par laquelle le directeur des ressources humaines de la Banque de France lui a refusé son admission à la retraite avec jouissance immédiate de la pension à compter du 5 juillet 2005, M. X se prévaut de ce que, anticipant sur sa prochaine mise à la retraite, il a formé un projet de création d'une entreprise de location de véhicules de tourisme avec chauffeur ; que, toutefois, ni l'existence d'un tel projet, dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait fait l'objet d'une véritable préparation ni que sa réalisation pourrait être compromise si son départ à la retraite était différé, ni la proximité de la date à laquelle il pourrait bénéficier du départ à la retraite avec jouissance immédiate ne sont de nature à révéler une situation d'urgence justifiant que soit prononcée la suspension de la décision attaquée ; que si M. X soutient, en outre, qu'il serait privé de toute rémunération à compter du 5 juillet 2005 du fait de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier soumises au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que l'intéressé a demandé, à supposer que la jouissance immédiate de sa pension ne lui soit pas accordée, le bénéfice d'un départ anticipé en préretraite à compter seulement du 1er avril 2006 ; qu'ainsi l'urgence alléguée n'est pas établie ; qu'il en résulte que la demande de suspension doit être rejetée ; que la présente décision n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à que soit mise à la charge de la Banque de France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. X ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme que demande la Banque de France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en date du 5 avril 2005 est annulée.
Article 2 : La demande de suspension présentée par M. X devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Banque de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X et à la Banque de France.