Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 16 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DOLIBAM, dont le siège social est à Acajou, Le Lamentin (97232), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE DOLIBAM demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 11 juin 2004 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant au sursis à exécution du jugement du 2 mars 2004 du tribunal administratif de Fort-de-France annulant un permis de construire d'un centre commercial ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE DOLIBAM, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Ducos, de Me Odent, avocat de l'association pour la protection et la défense des mangroves et de la bande littorale de la Martinique (Ademan) et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar),
- les conclusions de Mme Anne-Françoise Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il incombe au juge qui rejette une demande tendant au sursis à exécution d'une décision juridictionnelle, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'apparaît sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement, d'analyser soit dans les visas de sa décision, soit dans les motifs de celle-ci, les moyens développés au soutien de la demande de sursis ;
Considérant que, pour rejeter la demande de la SOCIETE DOLIBAM tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 2 mars 2004, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est borné à relever qu'aucun des moyens présentés par la requérante n'était de nature à justifier l'annulation de ce jugement sans analyser ces moyens ni dans les visas ni dans les motifs de son ordonnance ; qu'ainsi l'ordonnance attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, la SOCIETE DOLIBAM est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur la demande de sursis à exécution du jugement contesté présentée par la SOCIETE DOLIBAM ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent en l'état de l'instruction sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour demander le sursis à exécution du jugement du 2 mars 2004 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé l'arrêté du 8 avril 2002 du maire de Ducos lui délivrant un permis de construire, la SOCIETE DOLIBAM soutient, d'une part, que le tribunal a statué dans une formation irrégulière en ce que, parmi les trois magistrats qui le composaient, figurait l'auteur de l'ordonnance de référé du 27 mars 2003 suspendant l'exécution du permis de construire et que, eu égard à la motivation de cette ordonnance, ce magistrat doit être regardé comme ayant préjugé l'issue du litige, d'autre part, que pour déclarer le permis illégal au regard de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif a apprécié la situation de fait et de droit en se plaçant à la date du jugement et non à celle de la délivrance du permis litigieux et qu'il a entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le maire de Ducos avait, s'agissant des accès au centre commercial projeté, commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'aucun des moyens ainsi invoqués par la SOCIETE DOLIBAM n'apparaît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DOLIBAM n'est pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 2 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé l'arrêté du 8 avril 2002 du maire de Ducos ; que sa requête présentée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux doit, par suite, être rejetée ;
Sur les conclusions de l'association pour la protection et la défense des mangroves et de la bande littorale de la Martinique (Ademan) et de l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar) tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE DOLIBAM la somme de 3 000 euros que demandent, respectivement, l'Ademan et l'Assaupamar, à raison de 1 500 euros chacun, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de la commune de Ducos :
Considérant que la commune de Ducos avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l'ordonnance attaquée du 11 juin 2004 ; qu'elle n'est, en conséquence, pas recevable à intervenir devant le juge de cassation ; qu'en outre l'ordonnance lui a été notifiée le 14 juin 2004 ; que le pourvoi de la commune de Ducos a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 avril 2005, au-delà du délai de pourvoi en cassation ; qu'ainsi son intervention ne peut utilement être regardée comme un tel pourvoi ; qu'elle ne peut en conséquence être admise ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la commune de Ducos n'est pas admise.
Article 2 : L'ordonnance du 11 juin 2004 du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulée.
Article 3 : La requête présentée par la SOCIETE DOLIBAM devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 4 : La SOCIETE DOLIBAM versera 1 500 euros à l'Ademan et 1 500 euros à l'Assaupamar en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DOLIBAM, à la commune de Ducos, à l'Ademan, à l'Assaupamar et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.