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27/07/2005 | FRANCE | N°271615

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 27 juillet 2005, 271615


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MAYENNE ; le PREFET DE LA MAYENNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 26 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé son arrêté du 6 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière, sa décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination et sa décision du 15 juillet 2004 ordonnant le placement en rétention administrative de M. Benchaa A et d'autre p

art, lui a fait injonction de délivrer à M. A une autorisation provi...

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MAYENNE ; le PREFET DE LA MAYENNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 26 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé son arrêté du 6 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière, sa décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination et sa décision du 15 juillet 2004 ordonnant le placement en rétention administrative de M. Benchaa A et d'autre part, lui a fait injonction de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros à compter de la notification du présent jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, Auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière de M. A :

Considérant qu'il est constant que M. A, de nationalité algérienne, est entré en France en août 2001 ; que la qualité de réfugié lui a été refusée par une décision du 12 octobre 2001 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 27 novembre 2002 par la commission des recours des réfugiés ; que, par une décision du 4 décembre 2003, le ministre de l'intérieur et des libertés locales a rejeté sa demande d'asile territorial ; qu'il s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la notification, le 1er mars 2004, de la décision du même jour du PREFET DE LA MAYENNE lui refusant le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que l'intéressé se trouvait ainsi dans l'un des cas où, en application du I du 1° de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2004 en tant qu'il décide la reconduite à la frontière de M. A :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A vit maritalement avec Mlle B, de nationalité française, depuis plus de deux ans ; que l'officier d'état civil de la mairie de Laval atteste que leur mariage devait être célébré le 7 août 2004 ; que Mlle B justifie souffrir d'un syndrome hématologique rare, demandant un suivi médical en France ; que, toutefois, le certificat médical figurant au dossier ne précise pas que Mlle B ne pourrait être soignée en Algérie ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. A, âgé de 33 ans et qui ne vit en France que depuis 2001, conserve sept frères et soeurs en Algérie alors qu'il n'a aucune attache familiale en France ; que la durée de vie commune du requérant avec Mlle B n'était que de deux mois à la date de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la mesure de reconduite à la frontière de M. A n'a pas porté à son droit de mener une vie familiale normale une atteinte excessive au regard de buts en vue desquels cette mesure a été prise ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA MAYENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'arrêté attaqué pour en prononcer l'annulation ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Nantes et devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que la circonstance que la décision refusant à M. A un titre de séjour ait été déférée au tribunal administratif ne faisait pas obstacle à ce que le PREFET DE LA MAYENNE décide sa reconduite à la frontière ; qu'en décidant cette reconduite, le préfet n'a commis aucun détournement de pouvoir, alors même que M. A aurait eu un projet de mariage dans les mois suivant l'intervention de son arrêté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA MAYENNE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule la décision de reconduite à la frontière de M. A ;

Sur la légalité de la décision du 6 juillet 2004 fixant l'Algérie comme pays de destination de M. A :

Considérant que M. A n'apporte aucune précision quant aux risques qu'il prétend courir en cas de retour en Algérie ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA MAYENNE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule la décision fixant l'Algérie comme pays de destination de M. A ;

Sur la légalité de la décision du 15 juillet 2004 ordonnant le placement de M. A en rétention administrative :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le PREFET DE LA MAYENNE, l'intervention d'une décision du juge judiciaire prolongeant le placement en rétention administrative de M. A n'a pas dessaisi le juge administratif des conclusions relatives à l'annulation de la décision du préfet plaçant l'intéressé en rétention ; que M. A, qui était doté d'un passeport et d'un domicile, disposait des garanties de représentation suffisantes ; que, dès lors, le placement de l'intéressé en rétention administrative n'était pas justifié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA MAYENNE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule sa décision ordonnant le placement en rétention administrative de M. A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 26 juillet 2004 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 6 juillet 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination.

Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision mentionnés à l'article 1er de la présente décision sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA MAYENNE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA MAYENNE, à M. Benchaa A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2005, n° 271615
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi

Origine de la décision
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/07/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 271615
Numéro NOR : CETATEXT000022512869 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-07-27;271615 ?
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