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08/07/2005 | FRANCE | N°266869

France | France, Conseil d'État, Président de la section du contentieux, 08 juillet 2005, 266869


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. A... B...et fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devan

t le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. A... B...et fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention franco algérienne du 27 décembre 1968, modifiée, relative à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu l'ordonnance n° 45-2648 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. B...,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 19 février 2004 en tant qu'il a annulé l'arrêté du PREFET DE POLICE du 14 janvier 2004 en tant qu'il ordonne la reconduite à la frontière de M. B... :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant algérien, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 mars 2003, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire national ; que l' intéressée était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que le moyen tiré des risques que M. B... encourrait en cas de retour dans son pays d'origine et de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la mesure portant reconduite à la frontière de l'intéressé ; que le PREFET DE POLICE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la violation de ces stipulations pour annuler son arrêté du 14 janvier 2004 en tant qu'il ordonne la reconduite à la frontière de M. B... ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que la décision, qui contient l'énoncé des éléments de fait et de droit qui lui servent de fondement, est suffisamment motivée ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment au fait que l'intéressé, célibataire sans enfant, n'est entré en France qu'en septembre 2001, à l'âge de 28 ans, et garde des attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et ses frères et soeurs, ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE ordonnant la reconduite à la frontière de M. B..., en date du 14 janvier 2004, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 19 février 2004 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 14 janvier 2004 en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination :

Considérant que, si M. B... fait valoir, d'une part, qu'il a été l'objet de menaces, notamment de la part de groupes terroristes intégristes, pour avoir couvert, en sa qualité de reporter photographe, des tueries commises en Kabylie, l'intéressé, dont la demande d'asile territorial a d'ailleurs été rejetée, n'apporte pas d'éléments suffisamment précis au soutien de ses allégations ; qu'en particulier, les deux attestations de Reporters sans frontières, datant de février et septembre 2004, ne sont pas assorties de précisions sur les menaces personnelles dont l'intéressé dit avoir fait l'objet ; que l'attestation du président de l'Association nationale des familles de victimes du terrorisme - Bureau de Tizi-Ouzou, établie également en 2004, qui ne précise ni les circonstances ni les dates des événements qu'elle décrit, n'est pas de nature à justifier de la réalité des risques auxquels M. B... serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, d'autre part, la seule circonstance qu'il serait de confession catholique n'est pas de nature à établir, en soi, des risques de persécution en cas de retour en Algérie ; que, par suite, le PREFET DE POLICE, en fixant l'Algérie comme pays de destination, par l'arrêté contesté, qui est suffisamment motivé, n'a ni commis une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de l'intéressé ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les risques encourus par M. B... en cas de retour en Algérie, pour annuler son arrêté du 14 janvier 2004 en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 février 2004, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 janvier 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. B... et fixant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'avocat de M. B... demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 19 février 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Président de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 266869
Date de la décision : 08/07/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2005, n° 266869
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:266869.20050708
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