Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Nicolae X, élisant domicile ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 1er avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 26 mars 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la Roumanie comme pays à destination duquel il doit être reconduit, ensemble ces deux décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 62 et 68 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, publiée par le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 ;
Vu le règlement n° 539/2001 du conseil de l'Union européenne du 15 mars 2001, modifié notamment par le règlement n° 2414/2001 du 7 décembre 2001 ;
Vu la décision 1999/436/CE du Conseil de l'Union européenne du 20 mai 1999 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée notamment par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Boucher, Auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France en vigueur à la date de l'arrêté contesté : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'aux termes du II du même article : Les dispositions du 1° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la communauté européenne : / b) (...) si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; qu'aux termes de l'article 20, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité roumaine et, à ce titre, non soumis à l'obligation de visa au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen, a séjourné sur le territoire des Etats parties à cette convention, et notamment en France, du 15 août au 2 novembre 2002, puis de la fin du mois de novembre 2002 à la fin du mois de janvier 2003 ; que, revenu en France en transitant par la Hongrie le 23 février 2003 puis, selon ses dires, par l'Autriche et l'Allemagne, il a, le 25 mars 2003, été interpellé par les services de police ; que, par un arrêté du 26 mars 2003, pris sur le fondement des dispositions précitées du b) du II de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Considérant que, pour demander l'annulation du jugement du 1er avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mars 2003, M. X soutient qu'il se trouvait, à la date de cet arrêté, en situation régulière au regard des stipulations du premier paragraphe de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen et que, dès lors, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement ordonner sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions du b) du II de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que la réponse à ce moyen dépend de la question de savoir ce qu'il convient d'entendre par date de première entrée au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen et, notamment, si doit être regardée comme première entrée sur le territoire des Etats parties à cette convention toute entrée intervenant à l'issue d'une période de six mois n'ayant donné lieu à aucune autre entrée sur ce territoire, ainsi que dans le cas d'un étranger qui effectue des entrées multiples pour des séjours de courte durée, toute entrée suivant immédiatement l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la précédente première entrée connue ;
Considérant que cette question, relative à l'interprétation d'une stipulation de la convention de Schengen dont la base juridique est, en vertu de la décision 1999/436/CE du Conseil de l'Union européenne du 20 mai 1999 définissant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l'acquis de Schengen, l'article 62, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne, est déterminante pour la solution du litige et soulève une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des stipulations de l'article 68 du traité instituant la Communauté européenne et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur cette question ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. X jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir ce qu'il convient d'entendre par date de première entrée au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen et, notamment, si doit être regardée comme première entrée sur le territoire des Etats parties à cette convention toute entrée intervenant à l'issue d'une période de six mois n'ayant donné lieu à aucune autre entrée sur ce territoire, ainsi que, dans le cas d'un étranger qui effectue des entrées multiples pour des séjours de courte durée, toute entrée suivant immédiatement l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la précédente première entrée connue.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolae X, au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, ainsi qu'au président de la Cour de justice des communautés européennes.