Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février 1999 et 9 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, dont le siège est 2 rue des IV Pavés du Roy à Saint-Quentin-en-Yvelines (78184) ; le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 1er décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé l'article 6 du jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 février 1995 qui avait condamné solidairement la société Bouygues, M.Georges A et le bureau Copibat à lui verser une somme de 507 080 F au titre des nuisances sonores, d'autre part, a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs à raison de ces nuisances ;
2°) de mettre à la charge de ces sociétés et de M. A la somme de 15 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Bouygues, de la SCP Boulloche, avocat de M. A et de la SCP Parmentier, Didier, avocat du Bureau d'études Techniques,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat communautaire d'aménagement de l'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, aux droits duquel vient le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, a délégué à l'établissement public d'aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines la maîtrise d'ouvrage de la construction d'un gymnase dans la commune de Montigny-le-Bretonneux ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un architecte, M. A, et à un bureau d'études techniques, la société Copibat ; que les travaux ont été réalisés par la société Bouygues et le contrôle technique par la société Socotec ; que divers désordres sont apparus ; que le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 1er décembre 1998 en tant que, par cet arrêt, la cour a annulé l'article 6 du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 6 février 1995 qui avait condamné solidairement la société Bouygues, la société Copibat et M. A à lui verser la somme de 507 080 F (77 303,85 euros) en réparation des nuisances sonores causées par un appareil de conditionnement d'air situé au dessus du logement du gardien ;
Considérant que le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES fait grief aux juges d'appel d'avoir étendu à M. A le bénéfice de l'annulation de l'article 6 du jugement du tribunal administratif de Versailles condamnant les constructeurs à réparer les désordres phoniques constatés dans le gymnase, alors que celui-ci n'avait pas relevé appel de ce jugement, sans rechercher si le maître d'oeuvre était lié par une solidarité parfaite avec les autres constructeurs ; que la cour en relevant que la société Copibat était engagée solidairement avec M. A, architecte, par marché du 23 octobre 1978 leur confiant la maîtrise d'oeuvre, a légalement justifié sa décision sans avoir à s'interroger davantage, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, sur la portée exacte de l'engagement de solidarité ainsi stipulé ;
Considérant que la cour en indiquant que les nuisances phoniques liées au fonctionnement d'un appareil de conditionnement d'air situé au dessus d'un logement de gardien, constituent, dans les circonstances de l'espèce, un vice de construction qui était décelable à la réception des travaux, a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour, qui n'était pas tenue de suivre l'avis de l'expert, aurait dénaturé les conclusions du rapport d'expertise ;
Mais considérant que, devant le tribunal administratif, le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES avait recherché non seulement la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil mais aussi la responsabilité contractuelle de l'architecte pour manquement à son obligation de conseil envers le maître de l'ouvrage lors des opérations de réception des travaux ; qu'après avoir écarté la garantie décennale des constructeurs retenue par le tribunal, la cour se trouvait, par l'effet dévolutif de l'appel, saisie des conclusions du syndicat fondées sur la responsabilité contractuelle de l'architecte ; qu'en omettant de statuer sur ces conclusions, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité contractuelle de l'architecte, M. A, à raison des nuisances sonores constatées ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler, dans la mesure de l'annulation précédemment mentionnée, l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, si la maîtrise d'ouvrage de l'opération avait été déléguée à l'établissement public d'aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines, le président du comité du SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, après y avoir été autorisé par une délibération du comité syndical en date du 23 novembre 1978, a signé l'acte d'engagement des maîtres d'oeuvre ; qu'ainsi, le syndicat était partie au marché d'ingénierie et d'architecture conclu avec M. A et la société Copibat ; que, par suite, il avait qualité pour rechercher la responsabilité contractuelle de M. A pour manquement à son obligation de conseil lors des opérations de réception ; que, d'autre part, les nuisances sonores affectant le logement du gardien du gymnase résultent de l'installation sur son toit d'un matériel de conditionnement d'air ; que ces désordres pouvaient être constatés lors de la réception définitive des travaux intervenue le 25 août 1981 en procédant à un essai de fonctionnement de l'appareil de conditionnement d'air ; qu'en vertu tant de ses obligations professionnelles que des stipulations de son contrat, M. A, architecte, avait l'obligation d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur ce défaut de l'ouvrage de nature à faire obstacle à ce que la réception définitive fût prononcée sans réserve ; que cette faute dans sa mission de conseil au maître de l'ouvrage au moment de la réception est de nature à engager sa responsabilité contractuelle ; que toutefois une part de responsabilité doit être laissée, dans les circonstances de l'espèce, à la charge du maître de l'ouvrage compte tenu de l'insuffisante attention apportée par ses représentants aux opérations de réception ; que, par suite, il y a lieu de condamner M. A à réparer, à concurrence de la moitié, les conséquences préjudiciables pour le syndicat requérant de ces nuisances sonores ; que ce préjudice a été évalué par le tribunal administratif à la somme non contestée en appel de 77 303,85 euros ; qu'il y a dès lors lieu de mettre à la charge de M. A, compte tenu du partage de responsabilité retenu ci-dessus, la somme de 38 651,93 euros ;
Sur les appels en garantie formés par M. A :
Considérant que la présente décision ayant retenu la responsabilité contractuelle à M. A à raison de son devoir de conseil en sa qualité d'architecte, ce dernier n'est fondé à appeler en garantie ni la société Bouygues qui a exécuté les travaux, ni la société Socotec qui avait une mission de contrôle technique ; qu'en revanche, le bureau d'études techniques Copibat était titulaire avec lui du marché d'ingénierie et d'architecture ; qu'il ressort des pièces jointes à l'acte d'engagement que la société Copibat était chargée du tiers des opérations de réception ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la société Copibat à garantir M. A à hauteur du tiers de la condamnation prononcée à l'encontre de celui-ci ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge du SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que la société Bouygues, M. A et la société Copibat demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A la somme de 2 200 euros au titre des frais exposés par le SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 1er décembre 1998 est annulé en tant qu'il n' a pas statué sur les conclusions du SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES fondées sur la responsabilité contractuelle de l'architecte.
Article 2 : M. A est condamné à verser au SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES une somme de 38 651,93 euros afin qu'il soit remédié aux nuisances sonores.
Article 3 : La société Copibat garantira M. A de la condamnation prononcée à son encontre par l'article précédent à hauteur du tiers.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 6 février 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : M. A versera au SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES une somme de 2 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la société Bouygues, M. A et la société Copibat sont rejetées.
Article 7 : Le surplus des conclusions du pourvoi en cassation du SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT D'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, à M. Georges A, à la société Copibat, à la société Bouygues, à la société Socotec, à l'établissement public d'aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.