Vu le recours, enregistré le 14 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 janvier 2004 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence, faisant droit à l'appel formé par Mme X... Y, a réformé le jugement du 5 septembre 2000 du tribunal départemental des pensions militaires des Bouches-du-Rhône et lui a reconnu droit à pension du chef de son époux décédé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Fabre-Aubrespy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y n'avait pas soulevé, à l'appui de son appel devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE rejetant sa demande de pension de réversion, des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ; qu'en se fondant sur ce moyen, qui n'était pas d'ordre public, pour annuler le jugement du 5 septembre 2000 du tribunal départemental des pensions militaires des Bouches-du-Rhône et reconnaître à Mme Y droit à pension, la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que si Mme Y soutient dans un mémoire produit devant le Conseil d'Etat que la décision rejetant sa demande de pension serait contraire aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'apporte au soutien de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 67 et L. 209 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que les ayants droit des personnes de nationalité française victimes civiles de la guerre peuvent prétendre à pension à condition d'être de nationalité française à la date du décès de la victime ou s'ils obtiennent après cette date la nationalité française à condition que cette obtention soit antérieure à la demande de pension ; que Mme Y, dont le mari est décédé le 16 mai 2000, a perdu sa qualité de ressortissante française à l'indépendance de son pays pour acquérir à cette date la nationalité tunisienne ; qu'elle ne peut par suite bénéficier d'une pension ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 septembre 2002, le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de pension ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence en date du 23 janvier 2004 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme Y devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à Mme X... Y.