Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre 2000 et 19 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'ARZON (Morbihan), représentée par son maire en exercice, dûment habilité ; la COMMUNE D'ARZON demande au conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 2 août 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société civile immobilière du Béchir, annulé le jugement du 15 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Arzon en date du 5 février 1993 accordant un permis de construire à M. et Mme Jean-Louis YX ;
2°) statuant au fond, de rejeter la demande présentée en première instance par la société civile immobilière du Béchir ;
3°) de mettre à la charge de la société civile immobilière du Béchir la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Campeaux, Auditeur,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la COMMUNE D'ARZON, de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. YX et de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de la SCI du Béchir,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. et Mme YX :
Considérant que M. et Mme YX, qui étaient parties à l'instance devant la cour administrative d'appel de Nantes, avaient qualité pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué ; que, dès lors, leur intervention n'est pas recevable ; qu'à supposer qu'elle doive être regardée comme un pourvoi en cassation dirigé contre ledit arrêt, ce pourvoi enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 mars 2002, soit après l'expiration du délai de recours contentieux, serait tardif et, par suite, irrecevable ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme YX avaient opposé en première instance une fin de non-recevoir à la demande de la société civile immobilière du Béchir que les premiers juges, qui ont rejeté la requête de cette société, n'ont pas examinée ; que la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, n'a pu, sans entacher son arrêt d'une omission de réponse à un moyen, faire droit à l'appel de la société civile immobilière du Béchir sans statuer sur ladite fin de non-recevoir, alors même que celle-ci n'était pas expressément reprise devant elle ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la demande de première instance a été introduite par la société civile immobilière du Béchir dans le délai de deux mois suivant le rejet par la commune d'un recours gracieux présenté par sa gérante, Mme Y, et dirigé contre l'arrêté attaqué ; que ledit recours gracieux, sans qu'il y ait lieu de rechercher si son auteur pouvait justifier d'un mandat pour le former, a eu pour effet de conserver les délais de recours contentieux au profit de la société civile immobilière du Béchir ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la demande présentée par cette dernière devant le tribunal administratif de Rennes était tardive, et par suite irrecevable, doit être écarté ;
Sur la requête d'appel de la société civile immobilière du Béchir :
Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites dans une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...) ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le terrain cadastré D 991 appartenant à M. et Mme YX est situé dans la bande littorale de cent mètres prévue par les dispositions précitées du code de l'urbanisme et se trouve à l'extrémité ouest d'un vaste espace naturel littoral ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que ce terrain est contigu sur ses limites nord et est à des parcelles non bâties comprises dans l'espace susmentionné et d'ailleurs classées en zone ND du plan d'occupation des sols, et sur ses limites ouest et nord-ouest à des parcelles ne comprenant que quelques constructions dispersées dont, à la date de délivrance du permis de construire contesté, le terrain était séparé par une parcelle non-bâtie et par un chemin ; que dans ces conditions, nonobstant la circonstance qu'existe au sud, séparé par un chemin privé et une haie, un lotissement de huit maisons, le terrain de M. et Mme YX ne pouvait, alors même qu'il était classé en zone constructible par le plan d'occupation des sols, être regardé comme situé dans un espace urbanisé au sens des dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que par suite, l'arrêté attaqué par lequel le maire d'Arzon a accordé un permis de construire une maison d'habitation sur ce terrain, a été délivré en méconnaissance de ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière du Béchir est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière du Béchir, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE D'ARZON au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susmentionnées et de mettre à la charge de la COMMUNE D'ARZON une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société civile immobilière du Béchir et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de M. et Mme YX n'est pas admise.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 août 2000, ensemble le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 octobre 1998 et l'arrêté du maire d'Arzon du 5 février 1993 sont annulés.
Article 3 : La COMMUNE D'ARZON versera à la société civile immobilière du Béchir une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4 : Les conclusions de la COMMUNE D'ARZON tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'ARZON, à la société civile immobilière du Béchir, à M. et Mme Jean-Louis YX et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.