Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 juin 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Youri X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Josseline de Clausade, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'aux termes de l'article 31 de la même ordonnance : Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par la présente ordonnance ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile, présente cette demande dans les conditions fixées à l'article 10 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ; qu'aux termes dudit article : (...) l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; qu'aux termes de l'article 12 de la même loi : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° et 4° de l'article 10 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance (...) du 2 novembre 1945 (...) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant russe qui s'est trouvé dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, n'a sollicité son admission au statut de réfugié qu'au moment de son interpellation, après avoir été informé qu'un arrêté de reconduite à la frontière allait être pris à son encontre ; qu'au cours de son interrogatoire par les services de police, il a essentiellement mis en avant les motifs économiques de son départ de Russie ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la demande d'asile politique formée par M. X doit être regardée comme ayant un caractère dilatoire au sens des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur l'absence de caractère dilatoire de la demande d'asile politique de M. X pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 6 juin 2003 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif de Rennes ;
Considérant que si M. X, d'origine tchetchène, fait valoir qu'en raison des risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'il fixe la Russie comme pays de destination de la reconduite, il ne produit, à l'appui de ces allégations, aucun élément de nature à établir la réalité des risques encourus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 6 juin 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement en date du 10 juin 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, à M. Youri X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.