Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 août 2003, présentée par Mme X... A épouse B, demeurant ... ; Mme A épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°)' d'annuler le jugement du 24 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 avril 2003 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays de renvoi ;
2°)' d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et la décision distincte fixant le pays de renvoi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (....) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (....) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A épouse B, de nationalité kirghize, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 11 juin 2002, de la décision en date du même jour du préfet de police lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. (...) ; qu'aux termes de l'article 17 du décret du 30 juin 1946 modifié : Sur présentation de l'accusé de réception d'un recours devant la commission des recours contre une décision négative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou dès l'enregistrement de ce recours par la commission des recours, le demandeur d'asile obtient le renouvellement du récépissé de demande d'asile visé à l'article 16 du présent décret, d'une durée de validité de trois mois renouvelable jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours (...) ; qu'aux termes de l'article 20 du décret du 2 mai 1953 modifié : Le recours doit, à peine de déchéance, être exercé dans le délai d'un mois à compter soit de la notification de la décision expresse de l'office, soit de l'expiration du délai de quatre mois constituant décision implicite de rejet ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A épouse B, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée le 13 août 2001 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 25 avril 2002 par la commission des recours des réfugiés, a saisi l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réouverture de son dossier de réfugié ; que cette nouvelle demande qui était accompagnée de documents nouveaux et dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'elle aurait eu un caractère dilatoire, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 octobre 2002 ; que cette décision a été notifiée à l'intéressée, par voie postale, le 17 octobre 2002 ; que Mme A épouse B a formé un nouveau recours devant la commission des recours des réfugiés, contre cette décision, le 29 octobre 2002 ; qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté de reconduite la commission n'avait pas statué sur cette demande ; que, dans ces conditions, Mme A épouse B est fondée à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière a été pris en méconnaissance de ces dispositions précitées et doit être annulé pour ce motif ; que la décision distincte fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A épouse B est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 24 juin 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, ensemble l'arrêté du 10 avril 2003 du préfet de police ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A épouse B et la décision distincte en date du même jour fixant le pays de destination sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X... A épouse B, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.