La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2004 | FRANCE | N°270302

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 26 juillet 2004, 270302


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Vincent X, demeurant ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit constaté que l'arrêté du 8 juillet 2004 du préfet du territoire de Belfort ordonnant son hospitalisation d'office au quartier psychiatrique

du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard pour une durée de quinze jo...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Vincent X, demeurant ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit constaté que l'arrêté du 8 juillet 2004 du préfet du territoire de Belfort ordonnant son hospitalisation d'office au quartier psychiatrique du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard pour une durée de quinze jours à compter du 8 juillet 2004 porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la sûreté et ordonne en conséquence sa remise en liberté immédiate ;

2°) d'ordonner sa remise en liberté immédiate ;

3°) d'accueillir sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire formée le 22 juillet 2004 ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, la SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez, la somme de 4 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

il soutient que le juge des référés a omis de répondre au moyen tiré de ce que le certificat médical au vu duquel le préfet a prononcé son hospitalisation d'office a été établi par un médecin qui l'avait antérieurement examiné et soigné, et ne satisfaisait pas ainsi à l'exigence d'impartialité posée par les dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ; qu'en méconnaissant cette exigence d'impartialité, qui résulte en outre de l'article 105 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, l'arrêté préfectoral prononçant son hospitalisation d'office a été pris sur une procédure manifestement irrégulière ; que cet arrêté est insuffisamment motivé dès lors que ni le certificat médical ni la motivation de l'arrêté ne se prononcent sur l'état de santé actuel du malade, contrairement aux prescriptions des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique dont il a été fait application ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2004, présenté pour le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; il tend au rejet de la requête ; il soutient que l'arrêté préfectoral dont la légalité est contestée ayant épuisé ses effets le 23 juillet 2004 à minuit, la requête est devenue sans objet ; qu'il n'est pas établi que le certificat médical émanait du médecin traitant de M. X ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé manque en fait ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 juillet 2004, présenté pour M. X, et qui tend aux mêmes fins que la requête ; il soutient, en outre, que l'hospitalisation d'office de l'intéressé ayant été maintenue pour une durée d'un mois par arrêté préfectoral du 21 juillet 2004, sa requête ne peut être regardée comme devenue sans objet ; que le certificat médical n'est pas circonstancié comme l'exige l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ; que les motifs de l'arrêté préfectoral du 8 juillet 2004 sont eux-mêmes insuffisants à le justifier, eu égard notamment aux demandes de soins et de protection judiciaire formées par l'intéressé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. X, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 26 juillet 2004 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me LYON-CAEN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X ;

- Me BOUTET, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Considérant que, avisé par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Belfort, en application de l'article L. 3213-7 précité du code de la santé publique, de la décision de relaxe rendue le 7 juillet 2004 par le tribunal pour enfants de Belfort à l'égard de M. X en application des dispositions de l'article 112-1 du code pénal, le préfet du Territoire de Belfort a, par un arrêté du 8 juillet 2004, ordonné l'hospitalisation d'office de ce dernier pour une durée de quinze jours ; que M. X fait appel de l'ordonnance du 15 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que soit constaté que cet arrêté porte une atteinte grave et immédiate à sa sûreté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de faire procéder à sa remise en liberté immédiate ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public...aurait porté, dans l'exercice de l'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale... ; qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique : A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire ; qu'aux termes de l'article L. 3213-7 du même code : Lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un non-lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement en application des dispositions de l'article 112-1 du code pénal nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public, elles avisent immédiatement le représentant de l'Etat dans le département, qui prend sans délai toutes mesures utiles... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 21 juillet 2004, le préfet du Territoire de Belfort a maintenu l'hospitalisation d'office de M. X au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard pour une durée d'un mois à compter du 23 juillet 2004 ; que, par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 8 juillet 2004 du préfet du Territoire de Belfort prononçant l'hospitalisation d'office de M. X pour une durée de quinze jours, au vu duquel ce préfet a pu prononcer le maintien de l'hospitalisation d'office, aurait épuisé ses effets le 23 juillet à 24 heures, ni que les conclusions de la requête de M. X tendant à ce que soit ordonnée sa remise en liberté immédiate seraient ainsi devenues sans objet ;

Considérant, en premier lieu, que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a écarté par le même motif, fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, les moyens tirés par M. X de ce que le certificat médical sur lequel le préfet a fondé son arrêté serait irrégulier pour émaner d'un médecin psychiatre qui, d'une part, exerçait précédemment dans l'établissement où l'intéressé a été hospitalisé, et, d'autre part, avait examiné et soigné l'intéressé à plusieurs reprises lors des séjours qu'il avait faits dans l'établissement ; que M. X n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le juge des référés aurait omis de répondre au moyen tiré du défaut d'impartialité du médecin traitant qui a établi le certificat médical ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer même que le médecin psychiatre qui a établi le certificat médical au vu duquel le préfet a prononcé l'hospitalisation d'office de M. X pût être regardé comme le médecin traitant de ce dernier, le préfet n'a, en se fondant sur ce certificat médical, manifestement méconnu ni les dispositions précitées de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, qui font seulement obstacle à ce que le certificat médical qu'elles prévoient émane d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade, ni celles des articles 105 et 106 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, invoquées par le requérant, qui s'opposent seulement à ce qu'un médecin traitant soit désigné comme médecin expert d'un même malade ; que ce certificat médical est circonstancié, conformément aux prévisions du même article du même code, dès lors qu'il énonce de manière explicite les circonstances de fait qui fondent l'avis médical du médecin psychiatre qui l'a établi, et notamment son appréciation de la dangerosité de l'intéressé pour la sûreté des personnes ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en indiquant, au titre de la motivation de son arrêté prononçant l'hospitalisation d'office de M. X, qu'il se fondait sur la circonstance que la nature de...l'acte médico-légal envers ses deux parents pour lequel il a été relaxé le 7 juillet 2004 pour irresponsabilité...montre une certaine dangerosité qui pourrait compromettre son intégrité et la sûreté des personnes et que l'intéressé doit bénéficier des soins en milieu hospitalier , ainsi que sur le certificat médical susmentionné, le préfet a énoncé avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation d'office nécessaire et suffisamment motivé son arrêté ; que le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait se fonder que sur un motif tiré de l' état de santé actuel du malade, qui touche au bien-fondé de la décision du préfet, n'est en tout état de cause pas recevable devant le juge administratif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 8 juillet 2004 du préfet du Territoire de Belfort prononçant son hospitalisation d'office serait entaché, en ce qui concerne sa régularité formelle, d'une illégalité manifeste, ni, par suite, que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée sa remise en liberté immédiate ;

Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle :

Considérant qu'eu égard aux données du présent litige, il y a lieu d'accorder, en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, l'admission provisoire du requérant à l'aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCP LYON-CAEN-FABIANI-THIRIEZ demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37, 2è alinéa, de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'aide juridictionnelle est accordée à M. X à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Vincent X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 270302
Date de la décision : 26/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2004, n° 270302
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Daniel Labetoulle
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:270302.20040726
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award