Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 15 février 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Khaled X, la décision du même jour fixant la Tunisie comme pays de destination et la décision du même jour prescrivant son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant quarante-huit heures ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre-Aubrespy, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la date limite de validité de son visa de court séjour, qui est expiré le 30 avril 2000 ; qu'il entrait donc dans le cas où, en application du 2° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'au cours de l'enquête diligentée par le procureur de la République pour vérifier la sincérité de son futur mariage avec une ressortissante française, dont il avait déposé le dossier à la mairie d'Annecy le 7 décembre 2001, M. X a été interpellé par la police de l'air et des frontières et s'est vu notifier un arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE le 15 février 2002, veille du jour prévu pour son mariage ; qu'il n'a pu être procédé à cette célébration, du fait de son placement immédiat en rétention administrative ; que la décision de le reconduire à la frontière a été prise après que les services préfectoraux ont été informés du projet de mariage de M. X et ont pensé qu'il pourrait revêtir un caractère frauduleux ; qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment à la précipitation avec laquelle l'administration a agi, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant eu pour motif déterminant la prévention du mariage de M. X ; qu'il est, pour ce motif, entaché de détournement de pouvoir ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 15 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et ses décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et prescrivant le maintien de l'intéressé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant quarante-huit heures ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET de la HAUTE-SAVOIE, à M. Khaled X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.