Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Turabi X, demeurant au ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 1er octobre 2002 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et de sa décision du même jour désignant la Turquie comme pays de renvoi, d'autre part, de la décision du préfet de l'Ille-et-Vilaine du 22 novembre 2002 le plaçant en rétention administrative en vue de l'exécution de la mesure de reconduite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les trois décisions susmentionnées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 47-2410 du 31 décembre 1947 ;
Vu le décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de M. X dirigées contre l'arrêté du 1er octobre 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Turquie comme pays de destination :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si cet arrêté a été présenté par le service postal à l'adresse connue de la préfecture comme étant celle de M. X et a été retourné le 4 novembre 2002 avec la mention n'habite plus à l'adresse indiquée , cette notification ne saurait, s'agissant d'une décision qui ne faisait pas suite à une demande du requérant, être regardée comme ayant régulièrement fait courir le délai de recours contentieux de sept jours à l'égard de M. X, alors même que ce dernier, qui d'ailleurs avait indiqué à la poste son changement d'adresse, n'avait pas fait part de ce changement à la préfecture ; que le requérant est dès lors fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté les conclusions susanalysées comme tardives ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. X dirigées contre l'arrêté du 1er octobre 2002 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; que M. X, ressortissant turc, s'étant maintenu dans de telles conditions sur le territoire français, il entrait dans l'un des cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré irrégulièrement en France en février 2001 ; que, s'il y a rejoint un frère, des oncles et un cousin, il ne conteste pas que son épouse et ses deux enfants résident encore en Turquie ; que, dans ces circonstances, l'arrêté attaqué du 1er octobre 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si, pour contester la décision fixant la Turquie comme pays de destination, M. X fait valoir qu'en tant que kurde de confession alévi, il a fait l'objet de mauvais traitements et de menaces de mort, il n'assortit pas ses allégations d'éléments suffisamment probants ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la même convention doit, dès lors, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Turquie comme pays de destination :
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2002 ordonnant le placement de M. X en rétention administrative :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions d'appel, M. X ne critique pas le motif par lequel le premier juge a rejeté sa demande de première instance, en tant qu'elle portait sur la décision de placement en rétention administrative ; que les conclusions correspondantes ne peuvent, dès lors qu'être rejetées ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées :
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 24 novembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé, en tant qu'il statue sur les conclusions de M. X dirigées contre l'arrêté du 1er octobre 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Turquie comme pays de destination.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes à l'encontre de l'arrêté du 1er octobre 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Turquie comme pays de destination et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Turabi X, au préfet de l'Oise, au préfet de l'Ille-et-Vilaine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés publiques.