Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er octobre 2001 et 1er février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES INTERETS DE CHACUN ET LA DEFENSE DU CADRE DE VIE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU GARRIC, dont le siège est à la Mairie du Garric (81450), l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT AGRICOLE ET HUMAIN, dont le siège est à l'Escarossie à Rosières (81400), et l'ASSOCIATION DES AGRICULTEURS DE LA CROIX-DE-MILLE ET DES ENVIRONS, dont le siège est à Luffiac à Saint-Jean-de-Marcel (81350) ; l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES INTERÊTS DE CHACUN ET LA DEFENSE DU CADRE DE VIE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU GARRIC et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 26 juillet 2001 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement à 2 x 2 voies de la RN 88 pour la déviation de Carmaux entre les lieudits La Tête, commune du Garric, et La Croix de Mille, communes de Pampelonne et Moularès, dans le département du Tarn, portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Carmaux et du Garric, et conférant à cette nouvelle route le caractère de route express ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser chacune la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code rural ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, ensemble le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983, ensemble le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le décret n° 92-379 du 1er avril 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sanson, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES INTERETS DE CHACUN ET LA DEFENSE DU CADRE DE VIE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU GARRIC et autres et de la SCP Parmentier, Didier, avocat du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret attaqué en date du 26 juillet 2001 déclare d'utilité publique les travaux d'aménagement à 2 x 2 voies de la RN 88 pour la déviation de Carmaux entre les lieudits La Tête, commune du Garric et La Croix de Mille, communes de Pampelonne et Moularès (Tarn), confère à cette nouvelle route le caractère de route express et porte mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Carmaux et du Garric ;
Sur la régularité de la procédure de consultation du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-3 du code de justice administrative : Les affaires ressortissant aux différents départements ministériels sont réparties entre les quatre premières de ces sections conformément aux dispositions d'un arrêté du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'en vertu de l'arrêté du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 22 juillet 1997, les affaires dépendant du ministre de l'équipement, des transports et du logement sont examinées par la section des travaux publics ; que l'article R. 151-1 du code de la voirie routière dispose enfin que le décret prévu à l'article L. 151-2 de ce même code, conférant à une route le caractère de route express, est pris sur le rapport du ministre chargé de la voirie routière nationale, lorsqu'il s'agit de routes ou de sections de routes appartenant au domaine public routier de l'Etat ; qu'il résulte de ces dispositions que la déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement à 2 x 2 voies de la route nationale 88 pour la déviation de Carmaux, l'attribution du caractère de route express à cette route et la mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Carmaux et du Garric sont des affaires dépendant du ministre de l'équipement, des transports et du logement ; que, par suite, le décret attaqué, par lequel ces décisions ont été prises, a été régulièrement examiné par la section des travaux publics du Conseil d'Etat ;
Sur le contreseing du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que ni la déclaration d'utilité publique prononcée par le décret attaqué ni la mise en conformité des plans d'occupation des sols des communes de Carmaux et du Garric ni aucune des autres mesures décidées par ce décret n'impliquent nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que le ministre de l'intérieur ou le ministre de l'agriculture seraient compétents pour signer ou contresigner, alors même que des opérations d'aménagement foncier seront nécessaires ; que, dans ces conditions, ces ministres n'étaient pas chargés de l'exécution du décret attaqué qui n'avait pas, dès lors, à être soumis à leur contreseing ;
Sur la régularité du dossier soumis à l'enquête publique :
Considérant que les documents soumis à l'enquête publique préalablement à la déclaration d'utilité publique ont pour objet de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus ainsi que les caractéristiques générales des ouvrages les plus importants ; que si les associations requérantes soutiennent que les éléments du dossier soumis à l'enquête étaient entachés de diverses erreurs, relatives au tracé retenu, à la position géographique d'un barrage, au temps de parcours entre Toulouse et Lyon, aux différentes variantes initialement envisagées, au nombre d'acquisitions de constructions à réaliser, à l'atteinte portée aux activités agricoles, à la hauteur et à la profondeur des remblais et déblais, au taux d'occupation des zones d'activités à l'ouest de Carmaux et aux surfaces agricoles utilisées, ces erreurs, à les supposer établies, n'ont pas été de nature, eu égard à leur faible importance, à vicier la procédure ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 : Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes (...) permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de cet article 14 : Sont considérés comme grands projets d'infrastructures de transports : 3. Les projets d'infrastructures de transport dont le coût est égal ou supérieur à 545 millions de francs ; que l'article 3 du même décret dispose : Lorsqu'un projet est susceptible d'être réalisé par tranches successives, les conditions prévues à l'article 2 s'apprécient au regard de la totalité dudit projet et non de chacune de ces tranches ; l'évaluation (...) doit être préalable à la réalisation de la première tranche ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 4 du même décret : Les diverses variantes envisagées par le maître d'ouvrage d'un projet font l'objet d'évaluations particulières selon les mêmes critères (...) ; qu'enfin l'article 6 du même décret dispose : (...) le dossier d'évaluation prévu à l'article 4 est inséré dans les dossiers soumis à enquête publique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux d'aménagement à 2 x 2 voies de la RN 88 pour la déviation de Carmaux constituent une tranche du projet d'aménagement de cette voie entre Toulouse et Séverac-le-Château ; que ce projet d'aménagement, dont le coût total a été évalué à 4 843 millions de francs aux conditions économiques de janvier 1999, supérieur au seuil de 545 millions de francs fixé par l'article 2 précité du décret du 17 juillet 1984, constitue un grand projet d'infrastructures de transport au sens des dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1982 et du décret du 17 juillet 1984 ; que l'évaluation prescrite par la loi devait porter, en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 17 juillet 1984, sur l'ensemble du projet d'aménagement de la RN 88 entre Toulouse et Séverac-le-Château ; que cette évaluation figurait au dossier d'enquête publique ; qu'en revanche, les différents tracés envisagés pour la déviation de Carmaux ne constituent pas diverses variantes d'un grand projet d'infrastructures de transport au sens des dispositions précitées de l'article 4 du même décret et par suite n'avaient pas, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, à faire l'objet d'évaluations particulières devant figurer au dossier d'enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du décret du 17 juillet 1984 doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation des conclusions de la commission d'enquête :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1983 susvisée, reprises à l'article L. 123-10 du code de l'environnement : Le rapport et les conclusions motivées du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont rendus publics. Le rapport doit faire état des contre-propositions qui auront été produites durant l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage, notamment aux demandes de communication de documents qui lui ont été adressées ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 11-14-14 du code de l'expropriation, applicables en l'espèce en vertu des dispositions du décret du 23 avril 1985 pris pour l'application de la loi du 12 juillet 1983 : Le commissaire ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à la déclaration d'utilité publique de l'opération ;
Considérant que cette règle de motivation n'impose pas à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées au cours de l'enquête mais l'oblige à indiquer, au moins sommairement, en donnant son propre avis, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ; qu'il ressort des pièces du dossier que la commission d'enquête a précisément relaté dans son rapport les observations formulées sur le projet, en particulier la contestation par un nombre important de personnes de la partie sud du tracé soumis à l'enquête en raison de l'atteinte portée à l'activité agricole, la préférence marquée par ces personnes pour le tracé intitulé variante n°5 et les réponses apportées par la direction départementale de l'équipement ; que la commission d'enquête a ensuite émis dans ses conclusions, après avoir reconnu le caractère pénalisant pour l'activité agricole du tracé retenu, un avis favorable assorti de recommandations, en raison du caractère prioritaire de la déviation de Carmaux ; qu'ainsi la commission d'enquête a satisfait aux exigences susrappelées de la loi du 12 juillet 1983 et de l'article R. 11-14-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Sur la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture :
Considérant que si les associations requérantes soutiennent que le dossier d'enquête publique fait mention de l'avis émis par la commission départementale d'orientation de l'agriculture du Tarn dans sa séance du 30 septembre 1999 alors qu'un tel avis n'était plus requis par les dispositions alors applicables du code rural, le recours à une telle consultation n'était pas en lui-même irrégulier et il ne ressort pas des pièces du dossier que le déroulement de cette consultation ait été entaché d'irrégularités ;
Sur l'utilité publique du projet :
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement à 2 x 2 voies de la RN 88 pour la déviation de Carmaux s'inscrit dans le projet d'aménagement, entre Toulouse et Lyon, de cette route, classée grande liaison d'aménagement du territoire au schéma directeur routier national approuvé par le décret du 1er avril 1992 susvisé ; que cet axe interrégional a pour objet de désenclaver le sud du Massif central et d'améliorer l'interconnexion du réseau autoroutier ; que, par ailleurs, au niveau local, le projet de déviation de Carmaux répond à l'objectif de détourner le trafic croissant du centre de cette ville, d'améliorer le temps de parcours et d'accroître la sécurité de la circulation sur la RN 88 au voisinage de Carmaux ; qu'eu égard à l'importance du projet et aux précautions prises pour en limiter les effets négatifs, ni les inconvénients inhérents aux atteintes portées à l'environnement et à l'activité agricole ni le coût financier de l'opération ne sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ; que, si les associations requérantes soutiennent que d'autres tracés, en particulier celui intitulé variante n°5 , auraient présenté moins d'inconvénients que le tracé retenu par le décret attaqué, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, d'apprécier l'opportunité de ce tracé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser aux associations requérantes la somme que demande chacune de celles-ci au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner solidairement les associations requérantes à payer à l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES INTERETS DE CHACUN ET LA DEFENSE DU CADRE DE VIE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU GARRIC, l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT AGRICOLE ET HUMAIN et l'ASSOCIATION DES AGRICULTEURS DE LA CROIX-DE-MILLE ET DES ENVIRONS est rejetée.
Article 2 : L'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES INTERETS DE CHACUN ET LA DEFENSE DU CADRE DE VIE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU GARRIC, l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT AGRICOLE ET HUMAIN et l'ASSOCIATION DES AGRICULTEURS DE LA CROIX-DE-MILLE ET DES ENVIRONS sont condamnées solidairement à verser à l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES INTERETS DE CHACUN ET LA DEFENSE DU CADRE DE VIE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU GARRIC, à l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT AGRICOLE ET HUMAIN, à l'ASSOCIATION DES AGRICULTEURS DE LA CROIX-DE-MILLE ET DES ENVIRONS, au Premier ministre, au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, au ministre de l'écologie et du développement durable, à la commune de Carmaux et à la commune du Garric.