Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Thi X...
B... et M. Van Minh Y... Y, faisant élection de domicile au cabinet de Me Jean-Eric Z..., 6, place de Stalingrad à Limoges (87000) ; Mme B... et M. Y demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 octobre 1999 par laquelle le consul de France à Ho Chi Minh Ville a refusé à M. Y la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 mai 2001 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. Y contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le consul de France à Ho Chi Minh Ville sur sa demande de visa d'entrée et de long séjour en France reçue le 31 août 2000, ensemble cette dernière décision ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer à M. Y un visa d'entrée et de long séjour en France ou, subsidiairement, de prendre une nouvelle décision sur la demande de visa, dans les 20 jours de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 F (152,45 euros) par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 15 000 F (2 286,74 euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant que M. Y, de nationalité vietnamienne, demande l'annulation, d'une part, de la décision du 5 octobre 1999 par laquelle le consul de France à Ho Chi Minh Ville lui a refusé la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France, d'autre part, de la décision du 25 mai 2001 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite née du silence gardé pendant plus de quatre mois par le consul de France à Ho Chi Minh Ville sur sa demande de visa d'entrée et de long séjour en France reçue le 31 août 2000, ensemble de cette dernière décision ;
Considérant, en premier lieu, que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la décision de refus née du silence gardé pendant plus de quatre mois par le consul de France à Ho Chi Minh ville sur la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée par M. Y le 31 août 2000 ; que, par suite, les conclusions de M. Y tendant à l'annulation de cette dernière ne sont pas recevables ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté par le ministre des affaires étrangères, que M. Y, qui souffre d'un grave handicap auditif et vocal, ne conservait pour toute attache familiale au Vietnam, à la date de la décision du 5 octobre 1999, que son grand-père, alors âgé de quatre-vingts ans, malade et d'ailleurs décédé depuis lors, et l'une de ses sours ; que cette dernière, à la date de la décision du 25 mai 2001, avait quitté le Vietnam pour s'installer en France avec son mari, de nationalité française ; qu'il n'est pas davantage contesté qu'en dépit de la faiblesse de ses ressources, Mme A..., elle-même veuve d'un ressortissant français, contribue à l'entretien de son fils, qui ne dispose d'aucun revenu personnel ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, en refusant à l'intéressé le visa que celui-ci sollicitait pour venir rejoindre sa mère sur le territoire français, le consul de France à Ho Chi Minh Ville, par sa décision du 5 octobre 1999, et la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, par sa décision du 25 mai 2001, alors même qu'ils estimaient insuffisantes les ressources de Mme B... pour subvenir aux besoins de son fils, ont porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été opposé et ont, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Y est fondé à demander l'annulation des décisions du consul de France à Ho Chi Minh Ville du 5 octobre 1999 et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 mai 2001 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique normalement la délivrance d'un visa à M. Y ; que, toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions précitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; qu'invitées par lettre du président de la septième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat à faire savoir si la situation de M. Y avait été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet, ou que des circonstances postérieures à la date de ladite décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet, les parties ont fait connaître qu'aucun changement n'était intervenu dans la situation de l'intéressé ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrite à l'autorité compétente de délivrer à M. Y, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, un visa d'entrée et de long séjour en France ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser à M. Y une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions du consul de France à Ho Chi Minh Ville du 5 octobre 1999 et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 mai 2001 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à M. Y dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. Y la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Y et au ministre des affaires étrangères.