Vu la requête, enregistrée le 31 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Madjid X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 6 novembre 2002 du préfet de la Haute-Savoie décidant sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de l'arrêté du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdits arrêtés ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 524 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. X soutient que le jugement attaqué serait entaché d'illégalité car le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble n'aurait répondu qu'aux moyens qu'il avait présentés au soutien des exceptions d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 31 juillet 2001 rejetant sa demande d'asile territorial et de la décision du 1er octobre 2001 rejetant sa demande de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que M. X s'était borné dans sa demande de première instance à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière devait être annulé pour les mêmes raisons que celles qu'il avait présentées à l'encontre des décisions précitées, sans apporter aucune précision à l'appui de ses allégations ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que le premier juge aurait omis de répondre aux moyens dirigés contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a répondu au moyen tiré de ce que la décision du ministre de l'intérieur aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble serait entaché d'illégalité ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de la décision du 1er octobre 2001 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi il se trouvait dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 31 juillet 2001 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : ... l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si M. X soutient qu'il a fait l'objet à plusieurs reprises de lettres de menaces et d'une tentative de racket de la part de groupes islamistes armés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder l'asile territorial ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet de la Haute-Savoie rejetant la demande de titre de séjour de M. X :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. X, le préfet de la Haute-Savoie ne s'est pas cru lié par la décision du ministre de l'intérieur rejetant la demande d'asile territorial présentée par l'intéressé et a examiné la situation du requérant avant de prendre la décision de refus de séjour contestée ;
Considérant que si M. X fait valoir que de nombreux membres de sa famille résident en France et qu'il n'a plus d'attaches en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie ait, en rejetant la demande d'admission au séjour de l'intéressé, entré en France le 1er février 2000 et âgé de trente-cinq ans à la date de la décision litigieuse, porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie aurait, par ladite décision, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ;
Sur les autres moyens :
Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation du requérant à la date à laquelle il s'est prononcé ;
Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, pour les motifs ci-dessus énoncés, que ledit arrêté porterait au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise, et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, ou qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant ;
Considérant que l'arrêté fixant le pays de destination de M. X, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 6 novembre 2002 du préfet du Rhône décidant sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de l'arrêté du même jour fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Madjid X, au préfet de la Haute-Savoie et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.