Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 29 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, dont le siège est ... Cedex 13 (75706) ; la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 22 novembre 2001 de la cour administrative d'appel de Paris, en ce qu'il a réformé partiellement le jugement du 2 mai 2000 du tribunal administratif de Paris ordonnant une expertise avant de statuer sur la demande de la société Bouygues Bâtiment SA tendant à ce qu'elle soit condamnée à verser à cette société la somme de 535 560 828 F au titre du règlement du marché de travaux de construction de la bibliothèque et rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement ;
2°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de la société Bouygues Bâtiment SA ;
3°) de condamner la société Bouygues Bâtiment SA à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 28 mars et avril 2003, présentées pour la société Bouygues Bâtiment S.A. ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 2 et 11 avril 2003, présentées pour la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE,
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Chantepy, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Bouygues Bâtiment,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 2 mai 2000, le tribunal administratif de Paris, sur requête de la société Bouygues Bâtiment SA, qui contestait le décompte général du marché dont elle était titulaire pour le gros ouvre de la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, a ordonné une expertise aux fins de donner tous éléments permettant d'apprécier les sommes restant à la charge du maître d'ouvrage, du maître d'ouvre et de cette société et de proposer un projet de décompte général établi à partir de ces éléments ; que la cour administrative d'appel de Paris a, par arrêt du 22 novembre 2001, réformé partiellement les termes dans lesquels le tribunal avait ordonné cette expertise, et rejeté le surplus des conclusions d'appel présentées par la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a expressément écarté les moyens soulevés devant elle par la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE et tirés de ce que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur la recevabilité des demandes de la société Bouygues Bâtiment S.A. au regard des dispositions de l'article 15-4 du cahier des clauses administratives générales, sur la question de l'imprévisibilité de la sujétion résultant de l'état du sous-sol, sur l'éventuel bouleversement de l'économie du contrat résultant de l'état de ce sous-sol et des percements supplémentaires qu'il aurait été nécessaire d'effectuer en raison de cet état ; que si la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE soutient qu'elle ne s'était pas contentée en appel de relever les omissions de statuer du tribunal administratif sur ces moyens, mais qu'elle avait expressément repris ces moyens, de sorte qu'il appartenait à la cour, non seulement de statuer sur la régularité du jugement, mais aussi d'examiner ces moyens, il ressort de ses mémoires d'appel qu'elle s'est bornée à contester la régularité du jugement ; que par suite le moyen tiré de ce que la cour aurait omis de statuer sur certains moyens et conclusions manque en fait ;
Considérant que, si par le même jugement du 2 mai 2000, devenu sur ce point définitif, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable la demande de la société Bouygues Bâtiment SA tendant à la condamnation de la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE à lui verser une somme en règlement du différend apparu en cours d'exécution du marché entre elle-même et le maître d'ouvre, au motif qu'elle aurait omis de faire connaître à la personne responsable du marché, conformément aux dispositions de l'article 50-21 du cahier des clauses administratives générales, qui imposent cette formalité sous peine de forclusion, qu'elle n'acceptait pas la décision implicite rejetant sa réclamation, le litige sur cette réclamation porte sur un objet différent de celui né de la contestation du décompte général ; que par suite le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur le litige relatif à ce décompte aurait méconnu l'autorité de la chose jugée, en retenant que la société Bouygues Bâtiment SA pouvait, en vertu des dispositions de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales, reprendre cette réclamation, dans le cadre de sa contestation du décompte général, si elle n'avait pas fait l'objet d'un règlement définitif, doit être écarté ;
Considérant que si la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE soutient que la cour aurait dénaturé les faits de la cause, en retenant que la société Bouygues Bâtiment SA avait saisi le 25 juillet 1994 le maître d'ouvre de la réclamation reprise à l'occasion de la contestation du décompte général, la pièce qu'elle produit pour démontrer que cette saisine serait en réalité intervenue le 22 juillet 1994 ne figure pas au dossier soumis aux juges du fond, et cette seconde date est évoquée pour la première fois en cassation ; que par suite ce moyen doit être écarté ;
Considérant qu'après avoir relevé qu'une décision implicite de rejet de cette réclamation était née le 26 septembre 1994, et rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article 50-21 du cahier des clauses administratives générales, la société disposait d'un délai de trois mois pour faire connaître à la personne responsable du marché qu'elle n'acceptait pas cette décision de rejet, la cour administrative d'appel de Paris a indiqué que la saisine le 21 décembre 1994 par la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE du comité consultatif national de règlement amiable avait interrompu la prescription encourue par la société ; que si la cour, ainsi que le soutient la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, a ce faisant entaché son arrêt d'une inexactitude matérielle, cette saisine étant intervenue le 26 décembre 1994, cette erreur n'a eu aucune influence sur la solution donnée au litige, dès lors que la forclusion n'était pas encourue à cette dernière date ;
Considérant qu'aucun des points de l'expertise ordonnée, après la rectification opérée par la cour administrative d'appel de Paris, ne comporte de demande aux experts de se prononcer sur des questions de qualification juridique ; que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait pour ce motif entaché d'erreur de droit doit donc être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt en date du 22 novembre 2001 de la cour administrative d'appel de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE à verser à la société Bouygues Bâtiment SA une somme de 5 000 euros sur les 9 000 qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1 : La requête de la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE est rejetée.
Article 2 : La BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE versera à la société Bouygues SA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 La présente décision sera notifiée à la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, à la société Bouygues Bâtiment SA, à M. X... X et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.