Vu, 1°) sous le n°233343, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mai 2001 et 4 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION FRANCAISE DES COURTIERS D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE, dont le siège est ..., représentée par le président de son conseil fédéral, la SOCIETE GRAS SAVOYE, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice, LA SOCIETE GRAS SAVOYE SEGA, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice, la SOCIETE ASSURANCES VERSPIEREN, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; elles demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics ensemble l'annexe dudit décret ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu l'acte, enregistré le 4 septembre 2001, par lequel la SOCIETE ASSURANCES VERSPIEREN déclare se désister purement et simplement de la requête ;
Vu, 2°)sous le n°233474, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai 2001 et 4 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MARSH S.A., dont le siège est ... ; la SOCIETE MARSH S.A. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics ensemble l'annexe dudit décret ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive n° 77/92/CEE du 13 décembre 1976 relative à des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités d'agent et de courtier d'assurances ;
Vu la directive n° 92/50/CEE du conseil des communautés européennes du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services modifiée par la directive n° 97/52/CEE ;
Vu la directive n° 93/38/CEE du conseil des communautés européennes du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi du 5 octobre 1938 tendant à accorder au gouvernement les pouvoirs pour réaliser le redressement immédiat de la situation économique et financière du pays ;
Vu le décret du 12 novembre 1938 portant extension de la réglementation en vigueur pour les marchés de l'Etat aux marchés des collectivités locales et des établissements publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Chantepy, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION FRANCAISE DES COURTIERS D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE et de la SOCIETE MARSH,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le décret du 7 mars 2001 portant code des marchés publics et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le désistement de la SOCIETE ASSURANCES VERSPIEREN est pur et simple ; que rien ne s'oppose en ce qu'il en soit donné acte ;
Considérant qu'aux termes de l'article unique de la loi du 5 octobre 1938 susvisée : Le gouvernement est autorisé, jusqu'au 15 novembre 1938, à prendre, par décrets délibérés et approuvés en conseil des ministres, les mesures destinées à réaliser le redressement immédiat de la situation économique et financière du pays. Ces décrets, qui auront force de loi, seront soumis à la ratification des Chambres avant le 1er janvier 1939 ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 12 novembre 1938, pris sur le fondement de cette habilitation et avant sa date d'expiration : Les dispositions des textes législatifs et réglementaires, relatives à la passation et à l'exécution des marchés de l'Etat, peuvent être étendues, par règlement d'administration publique, contresignés par les ministres intéressés et le ministre des finances, et sous réserve des ajustements nécessaires, aux départements, aux communes et aux établissements publics relevant de l'Etat, des départements et des communes ; que les auteurs du décret attaqué tenaient de ces dispositions compétence pour étendre aux collectivités locales, par le même décret, les nouvelles règles qu'il fixait pour les marchés publics de l'Etat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions du décret attaqué correspondent, soit au projet de décret soumis par le gouvernement au Conseil d'Etat, soit au texte résultant de l'avis émis par le Conseil d'Etat ; qu'ainsi, les dispositions en cause ne sont pas entachées d'incompétence ;
Considérant que les règles applicables aux marchés publics ne sont pas au nombre des questions relatives aux assurances au sujet desquelles le conseil national des assurances doit être consulté en application des articles L. 411-2 et L. 411-5 du code des assurances ; qu'ainsi, même si la commission de la réglementation, qui, aux termes de l'article L. 411-5, émet un avis, pour le compte du conseil national des assurances, sur les projets de décrets dont celui-ci est saisi, avait été consultée de façon facultative sur le décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics, le conseil national des assurances n'avait pas à être consulté sur le projet de décret portant code des marchés publics ;
Considérant que le code des marchés publics, qui se borne à assujettir les personnes morales de droit public mentionnées à son article 2 à des règles particulières de transparence et de mise en concurrence pour la conclusion et l'exécution des contrats qu'elles passent pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, ne porte par lui-même atteinte, ni à la liberté du commerce et de l'industrie, et notamment à l'exercice de la profession de courtier d'assurance, ni au droit de propriété ; qu'il ne méconnaît pas davantage les objectifs de la directive n° 77/92/CEE du 13 décembre 1976 relative à des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités d'agent et de courtier d'assurance ;
Considérant que la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services prévoit, pour les contrats d'assurance, le recours à la mise en concurrence par la personne publique responsable du marché elle-même ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le code des marchés publics, en imposant ce recours, méconnaîtrait l'objectif d'adaptation des règles de passation aux spécificités des marchés de services de cette directive, rappelé notamment à son 23ème considérant, doit être écarté ;
Considérant que si les requérants soutiennent que le code des marchés publics méconnaîtrait les objectifs de la directive n° 93/38/CEE du 14 juin 1993 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur les conclusions dirigées contre les articles 11, 12, 13 et 14 du code des marchés publics :
Considérant, d'une part, que l'article L.511-1 du code des assurances renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition de la présentation des opérations de courtage d'assurances et la détermination des personnes habilitées à effectuer une telle présentation ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : Est considéré comme présentation d'une opération pratiquée par les entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 le fait, pour toute personne physique ou morale, de solliciter ou de recueillir la souscription d'un contrat d'assurance ou de capitalisation ou l'adhésion à un tel contrat ou d'exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d'un tel contrat ; que les articles L. 530-1 à L. 530-3 du même code fixent les dispositions spéciales applicables aux courtiers et sociétés de courtage d'assurance ; que les dispositions des articles 11 à 14 du code des marchés publics se bornent à définir les documents constitutifs du marché et ne comportent aucune règle relative à la définition et à l'organisation de la profession de courtier d'assurances ; que par suite le moyen tiré de ce que ces articles méconnaîtraient les dispositions de l'article L.511-1 et des articles L.530-1 à L.530-3 du code des assurances doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que les articles 11 à 14 du code des marchés publics ne comportent aucune disposition qui méconnaîtrait les prescriptions, d'ordre public, des articles L. 112-2 à L. 112-8 et L. 113-12 du code des assurances relatifs à la conclusion et à la preuve du contrat d'assurance, à la forme et à la transmission des polices, et à la résiliation des contrats ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 15 du code des marchés publics :
Considérant que cet article, qui fixe les règles applicables à la durée des marchés, ne comporte aucune disposition qui méconnaîtrait les prescriptions, d'ordre public, des articles L. 112-2 à L. 112-8 et L. 113-12 du code des assurances relatifs à la conclusion et à la preuve du contrat d'assurance, à la forme et à la transmission des polices et à la résiliation des contrats ;
Sur les conclusions dirigées contre les articles 39 et 40 du code des marchés publics :
Considérant qu'aux termes de l'article 17-1 de la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services : Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes III et IV et précisent les renseignements qui y sont demandés ; que les articles 39 et 40 du code des marchés publics, relatifs aux avis d'appel public à la concurrence, ne comportent ni disposition fixant des modèles d'avis ni renvoi à des arrêtés ministériels pour la fixation de tels modèles ; qu'ainsi en n'assurant pas complètement la transcription en droit interne de ladite directive, dont le délai de transposition était expiré, le décret attaqué en méconnaît les objectifs ; que par suite les requérantes sont fondées à en demander l'annulation en tant qu'ils ne prévoient pas de modèles d'avis d'appel public à la concurrence pour les marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 92/50/CEE modifiée ; qu'il incombe aux auteurs du décret attaqué de compléter les articles 39 et 40 du code des marchés publics par des dispositions fixant des modèles d'avis ou renvoyant à des arrêtés ministériels la fixation de tels modèles ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 48 du code des marchés publics :
Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de cet article : Les offres doivent être signées par les candidats qui les présentent ou par leurs représentants dûment habilités. Une même personne ne peut représenter plus d'un candidat pour un même marché ; que ces dispositions ne comportent aucune règle relative à la définition et à l'organisation de la profession de courtier d'assurances ; que par suite le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 511-1 et des articles L. 530-1 à L. 530-3 du code des assurances doit être écarté ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 51 du code des marchés publics :
Considérant que les dispositions de cet article se bornent à définir les conditions dans lesquelles les candidatures à un marché public, ou les offres, peuvent être groupées et ne comportent aucune règle relative à la définition et à l'organisation de la profession de courtier d'assurances ; que par suite le moyen tiré de ce que l'article 51 du code des marchés publics méconnaîtrait les dispositions de l'article L.511-1 et des articles L.530-1 à L.530-3 du code des assurances doit être écarté ;
Sur les conclusions dirigées contre les articles 58 et 63 du code des marchés publics :
Considérant que les articles 18 et 19 de la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 modifiée, qui fixent un délai minimum de réception des offres, subordonnent, dans leur rédaction issue de la directive n° 97/52/CEE du 13 octobre 1997, la réduction de ce délai à la double condition que l'avis de pré-information ait été envoyé pour publication dans des délais particuliers et qu'il contienne en outre au moins autant de renseignements que ceux énumérés dans les modèles d'avis d'appel public à la concurrence ; que si le 4ème alinéa de l'article 58 et le 8ème alinéa de l'article 63 du code des marchés publics prévoient une réduction du délai de réception des offres, respectivement pour les appels d'offres ouverts et pour les appels d'offres restreints, ils se bornent à subordonner cette réduction à la première de ces deux conditions, sans imposer que l'avis de pré-information contienne autant de renseignements que les modèles d'avis d'appel public à la concurrence ; qu'ils méconnaissent ainsi les objectifs susrappelés de la directive n° 97/52/CEE ; que par suite les requérantes sont fondées à en demander l'annulation, en tant qu'ils s'appliquent à des marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 92/50/CEE modifiée ; qu'il incombe aux auteurs du décret attaqué d'ajouter à ces dispositions la seconde condition prévue par cette directive ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION FRANCAISE DES COURTIERS D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE, la SOCIETE GRAS SAVOYE, la SOCIETE GRAS SAVOYE SEGA et la SOCIETE MARSH SA sont fondées à demander l'annulation des articles 39 et 40 du code des marchés publics annexé au décret du 7 mars 2001 en tant qu'ils ne prévoient pas de modèles d'avis d'appel public à la concurrence pour les marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 92/50/CEE modifiée, du 4ème alinéa de son article 58 et du 8ème alinéa de son article 63 en tant qu'ils s'appliquent à des marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 92/50/CEE modifiée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la FEDERATION FRANCAISE DES COURTIERS D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE, la SOCIETE GRAS SAVOYE et la SOCIETE GRAS SAVOYE SEGA la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu également de condamner l'Etat à payer la même somme à la SOCIETE MARSH SA ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête n° 233343 de la SOCIETE ASSURANCES VERSPIEREN.
Article 2 : Les articles 39 et 40 du code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 sont annulés en tant qu'ils ne prévoient pas de modèles d'avis d'appel public à la concurrence pour les marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 92/50/CEE modifiée, ainsi que le 4ème alinéa de son article 58 et le 8ème alinéa de son article 63 en tant qu'ils s'appliquent à des marchés entrant dans le champ d'application des directives n° 92/50/CEE modifiée. Ces annulations comportent pour l'Etat les obligations énoncées aux motifs de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à la FEDERATION FRANCAISE DES COURTIERS D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE, la SOCIETE GRAS SAVOYE et la SOCIETE GRAS SAVOYE SEGA une somme de 3 000 euros, et à la SOCIETE MARSH SA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION FRANCAISE DES COURTIERS D'ASSURANCES ET DE REASSURANCE, à la SOCIETE GRAS SAVOYE, à la SOCIETE GRAS SAVOYE SEGA AMENAGEURS, à la SOCIETE ASSURANCES VERSPIEREN, à la SOCIETE MARSH S.A, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.