Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 avril 2002, présentée par le PREFET DE L'AIN ; le PREFET DE L'AIN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 mars 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Sebahattin X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 du l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 18 octobre 2001, de l'arrêté du 9 octobre 2001 par lequel le PREFET DE L'AIN lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'a l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir qu'il est père de deux enfants nés en France de son union avec son ex-épouse divorcée et qu'il envisage de contracter un mariage avec une ressortissante française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est arrivé en France en 1999 et qu'il a divorcé de son ex-épouse le 23 octobre 2001 ; que c'est à cette dernière qu'a été confiée la garde des enfants nés de son union avec M. X... et que le parquet a fait opposition au projet de mariage qu'il envisageait de contracter avec une ressortissante française ; que, dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (.) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;
Considérant que si M. X... soutient qu'il aurait dû obtenir un titre de séjour en application des dispositions susmentionnées, il ressort de ce qui a été dit ci-dessus que le refus d'un titre de séjour opposé à M. X... n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; qu'ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'illégalité ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas établi que les intérêts des enfants de M. X... n'auraient pas été pris en compte par le préfet ; que M. X... n'est donc pas fondé à invoquer les stipulations de l'article 3-1 de la convention de l'Organisation des Nations Unies relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'AIN est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement du 9 mars 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 mars 2002 ordonnant la reconduite de M. X... à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à l'avocat de M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a donc lieu d'annuler aussi l'article 2 du jugement attaqué ;
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 9 mars 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon par M. X... tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 7 mars 2002 du PREFET DE L'AIN prononçant la reconduite à la frontière de M. X... et de la décision du même jour fixant le pays de destination et, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à verser à son avocat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'AIN, à M. Sebahattin X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.