Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 août 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X... et lui a enjoint sous astreinte de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire ;
2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Chokri X..., qui est de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 30 avril 2001, de l'arrêté du 25 avril 2001 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans l'un des cas visés à l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêté du 8 août 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir devant le tribunal administratif qu'il réside en France depuis 1990, qu'il y travaille et y est bien intégré ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X... est célibataire, sans enfant, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où résident ses parents ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X... n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur un tel motif pour annuler l'arrêté du 8 août 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... devant le premier juge ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;
Considérant que si M. X... soutient qu'à la date de la décision attaquée il résidait de façon continue en France depuis plus de 10 ans, il n'apporte pas, notamment pour les années 1998 et 1999, de justifications suffisantes à l'appui de ses allégations ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Considérant que si M. X... invoque les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué, il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les raisons exposées ci-dessus, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, que l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire ;
Article 1er : Le jugement du 7 novembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE et à M. Chokri X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.