Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Samba X... , ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 septembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Oise du 22 août 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d'Etat ;
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant que M. X... , de nationalité pakistanaise, est entré en France le 26 février 2000 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois à compter de la notification, le 27 avril 2000, de la décision du 20 avril 2000 par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas, prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant toutefois que M. X... est venu en France pour y rejoindre son épouse, de nationalité pakistanaise, avec laquelle il est marié depuis 1996 ; que le couple a eu deux enfants nés sur le sol français en 1997 et 2001 ; que l'épouse de M. X... est entrée en France en 1990 dans le cadre du regroupement familial de son père, alors qu'elle n'était âgée que de treize ans et qu'elle est titulaire, ainsi que son père et sa mère, d'une carte de résident ; que, dans ces circonstances, alors qu'une précédente demande de regroupement familial, formulée par l'épouse de M. X... , a été rejetée par le préfet, et que le départ au Pakistan de l'épouse du requérant soulèverait de graves difficultés, M. X... est fondé à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué décidant sa reconduite à la frontière, le préfet de l'Oise a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels ledit arrêté a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens en date du 5 septembre 2001 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Oise en date du 22 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Samba X... , au préfet de l'Oise et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.