Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 mai 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Gnahon X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d'Etat ;
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité ivoirienne, s'est maintenue sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 30 novembre 1999, de la décision du PREFET DE POLICE du 25 novembre 1999 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant toutefois qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, Mlle X... résidait habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté du 2 mai 2001 sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 mai 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Sur les conclusions du Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mlle X... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mlle X... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Gnahon X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.