Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 2001, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 23 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ahmad X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant que M. X..., de nationalité iranienne, est entré en France en 1993 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois à compter de la notification, le 21 juillet 2000, de la décision du 10 juillet 2000 par laquelle le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas, prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que l'épouse de M. X... et ses trois enfants ont rejoint l'intéressé en France en février 1994 ; que M. X... comme son conjoint ont bénéficié de titres de séjour temporaires régulièrement renouvelés de 1994 à 2000 ; que les trois enfants du couple poursuivent leurs études en France où ils sont parfaitement intégrés et n'ont plus aucun lien avec leur pays d'origine ; que dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 23 février 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... porte au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez la somme de 1 000 euros ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Ahmad X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.