Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 2 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE D'ANNECY, représentée par son maire ; la VILLE D'ANNECY demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 30 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 31 janvier 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui payer, à titre de provision, une somme de 1 222 401,47 euros au titre de dotations compensatrices en matière de taxe professionnelle ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi de finances pour 2002 (loi n° 2001-1245 du 28 décembre 2001) ;
Vu la loi de finances pour 1999 (loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ;
Vu la loi de finances rectificative pour 1982 (loi n° 82-540 du 28 juin 1982) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la VILLE D'ANNECY,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la VILLE D'ANNECY demande l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre l'ordonnance du 31 janvier 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de provision qu'elle avait présentée en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que la ville soutenait, à l'appui de sa demande de provision, que les dotations auxquelles elle avait droit en application des IV et IV bis de l'article 6 de la loi de finances pour 1987, afin de compenser les pertes de recettes de taxe professionnelle résultant d'une part de l'abattement de 16 % institué par l'article 1472 A bis du code général des impôts issu du I de l'article 6 susmentionné, d'autre part des réductions de bases pour embauche ou investissement et pour création d'établissement prévues respectivement par l'article 1469 A bis et par le dernier alinéa du II de l'article 1478 du code général des impôts issus du II du même article 6 de la loi de finances pour 1987, enfin de la diminution de la fraction des salaires prise en compte dans les bases de la taxe professionnelle décidée par le I de l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1982, avaient été calculées selon des modalités jugées illégales par une décision du 18 octobre 2000 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, faute de prise en compte des pertes de recettes comprises dans les rôles supplémentaires de taxe professionnelle ;
Considérant qu'aux termes du IV de l'article 19 de la loi de finances pour 2002 : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les dotations versées en application du troisième alinéa du IV et du IV bis du même article 6 de la loi de finances pour 1987 sont réputées régulières en tant que leur légalité serait contestée sur le fondement de l'absence de prise en compte des recettes comprises dans les rôles supplémentaires ;
Considérant, en premier lieu, que le troisième alinéa du IV et le IV bis de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 mentionnent seulement, le premier les pertes de recettes résultant de l'article 1472 A bis du code général des impôts, le second celles qui résultent de l'article 1469 A bis et du dernier alinéa du II de l'article 1478 du même code ; qu'ainsi, en jugeant que les dispositions du IV de l'article 19 de la loi de finances pour 2002 avaient aussi pour objet de valider, dans les conditions et limites qu'il définit, les dotations versées pour compenser les diminutions de recettes résultant du I de l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1982, la cour administrative d'appel de Lyon a méconnu le champ d'application de ces dispositions ;
Considérant, en second lieu, que les Hautes Parties Contractantes qui, en vertu des stipulations de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente convention, sont les Etats parties à ladite convention ; qu'ainsi, en jugeant que la collectivité requérante devait être regardée, pour l'application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme une Haute Partie Contractante et ne pouvait donc, pour ce motif, invoquer la violation des stipulations de la convention, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché sa décision d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE D'ANNECY est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 30 mai 2002 ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, en l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable... ;
Sur la régularité de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ;
Considérant que l'ordonnance de référé accordant ou refusant une provision en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative est rendue à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide ; que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a pu, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de l'instruction, statuer par l'ordonnance attaquée trois jours après avoir communiqué à la commune requérante le mémoire en défense présenté au nom de l'Etat ;
Sur la demande de provision :
Considérant, en premier lieu, que les dotations versées pour compenser les pertes de recettes résultant de l'article 1472 A bis du code général des impôts ainsi que de l'article 1469 A bis et du dernier alinéa du II de l'article 1478 du même code ont fait l'objet, ainsi qu'il a été dit, d'une mesure de validation par les dispositions du IV de l'article 19 de la loi de finances pour 2002 ; que, si la VILLE D'ANNECY soutient que ces dispositions seraient contraires aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'existence de l'obligation qui incombe, selon la ville, à l'Etat au titre des dotations en cause doit, eu égard à l'office du juge du référé-provision, être regardée comme sérieusement contestable ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi que le précise le deuxième alinéa du IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987, les sommes destinées à compenser les pertes de recettes résultant du I de l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1982 sont celles qui sont définies au II du même article 13 et sont donc égales au produit du neuvième de la fraction des salaires imposés au profit de la collectivité locale en 1983 par son taux de taxe professionnelle pour 1982 ; que, si la VILLE D'ANNECY soutient, contrairement à l'administration, que ces dispositions impliquaient nécessairement que fussent pris en compte, pour le calcul de la dotation à laquelle elle avait droit, les rôles supplémentaires de taxe professionnelle, l'obligation qui résulterait, selon la ville, pour l'Etat de la prise en compte de ces rôles pour le calcul de sa dotation compensatrice, doit, eu égard à l'office du juge du référé-provision, être regardée comme sérieusement contestable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE D'ANNECY n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de provision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la VILLE D'ANNECY la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 mai 2002 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la VILLE D'ANNECY devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la VILLE D'ANNECY tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la VILLE D'ANNECY et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.